L'intérêt national

Le Président Mahamadou Issoufou, dans son discours d’investiture prononcé le 07 avril 2011, a promis de faire renaitre le Niger. Il a promis de bâtir un Niger démocratique et prospère dans lequel le seul critère de promotion sociale sera le mérite. Il a également promis de mettre fin à l’insécurité alimentaire, de lutter contre la corruption, de rendre la justice impartiale et de n’œuvrer que dans l’intérêt de la nation nigérienne. Quelles sont les bases de la réussite du projet de Renaissance du Niger ? Ces bases, sont-elles en place ? Quelle est la responsabilité du citoyen nigérien dans le projet de Renaissance du Niger ?

La première base pour réussir une politique de développement est de disposer de lois maximisant l’intérêt national. A ce titre, le nouveau code du travail nigérien, adopté en Conseil des Ministres le 09 mai 2012 et transmis à l’Assemblée Nationale, est un bon texte.  En effet, Il y a des avancées comme la protection des personnes contre les discriminations dont elles peuvent faire l'objet du fait de leur état de santé, ou encore le quota de 5% de personnes handicapées dans les entreprises. Il y a également l'instauration d'un visa de travail pour les travailleurs étrangers, doublé de l'obligation de recruter et former un nigérien pour chaque salarié étranger engagé. Malgré la lourdeur de sa mise en place, une telle mesure a son intérêt.

Autre point positif du nouveau code du travail, l'instauration de l'apprentissage par alternance. Mais pour que cette mesure soit effective, il faut que l'enseignement professionnel tant chanté par le candidat devenu président, obtienne un coup de pouce et soit une des priorités de son mandat. Cependant, le texte n’est pas parfait. Sur la durée de travail, le fait de reconnaitre le rythme de travail en feu continu, sans vacances, comme étant une dérogation légitime au code du travail, est une grosse faille. Et quand on sait que les employés de la Société Imouraren  SA ont fait grève là-dessus récemment, on peut s’inquiéter de voir les employeurs abuser de ce genre de dérogation plutôt que d’étoffer les effectifs de leurs entreprises et permettre aux salariés d’avoir un rythme de travail normal. Le nouveau code du travail nigérien est bon dans l’ensemble. Il faut maintenant un nouveau code d’investissement, intégrant des dispositions comme par exemple l’obligation faite à l’investisseur étranger d’ouvrir un certain quota de son actionnariat à des investisseurs nigériens. Il faut par ailleurs encadrer la signature de contrats entre l’Etat du Niger ou une entreprise nigérienne et un partenaire étranger.  Ces contrats doivent être conformes aux lois en vigueur au Niger.

Une fois ces lois mises en place, la deuxième base pour un développement économique est le respect des lois en vigueur. Pour ce faire, l’Etat doit donner à ses agents les moyens de contrôler le respect des lois et, le cas échant, de sanctionner les contrevenants. L’Etat doit également contrôler ses agents et sanctionner ceux d’entre eux qui sont corrompus ou qui tergiverseraient avec le respect de la loi. Cela nécessite une modernisation de l’administration. Dans un premier temps, l’Etat peut se concentrer sur la dotation de système d’information fiable et sécurisé aux 6 services publics suivants : la Douane, les Impôts, le Trésor Public, la Police Nationale, les Tribunaux et les Mairies. Ensuite, cette politique pourra s’étendre aux autres services publics comme les hôpitaux, la Gendarmerie et autres.

La base la plus importante, sans laquelle aucun progrès durable n’est possible, est sans doute le « citoyen éclairé ». Ce citoyen éclairé, dans son travail quotidien, dans sa consommation de biens et services, bref dans tous ses actes, doit se poser une question simple avant d’agir : Est-ce que ce que je vais faire est dans l’intérêt de mon pays ? C’est uniquement en mettant l’intérêt national au-dessus des envies et désirs personnels que nous réussirons à construire un Niger prospère au service des Nigériens. Mais pour avoir des citoyens éclairés, les dirigeants nigériens doivent donner l’exemple. Leur morale doit être irréprochable et leur intégrité doit être avérée. Cette exigence ne doit pas se limiter aux seuls détenteurs du pouvoir exécutif. Elle doit s’étendre à tous les fonctionnaires et surtout aux cadres dirigeants de l’administration nigérienne. Les commissions et bonus de signature d’un contrat ou d’un marché public doivent être supprimés.   

Par ailleurs, nos dirigeants doivent favoriser la production et la consommation de biens et services nigériens. Il y a quatre secteurs dans lesquels les efforts fournis jusque-là pendant les vingt dernières années sont insuffisants :

1.  L’agro-alimentaire

Le projet 3N du Président de la République est louable. Il existe dans ce projet, en plus de l’objectif principal d’assurer la sécurité alimentaire aux nigériens, des objectifs de mise à niveau des industries agro-alimentaires existantes et de création de nouvelles unités de transformation de produits agro-pastoraux. L’Etat doit également revoir sa fiscalité pour favoriser le secteur de l’industrie et attirer les investisseurs étrangers à construire des usines et à produire au Niger. Il est temps d’arrêter d’importer la plupart des produits agro-alimentaire que nous consommons.

2. Les matériaux de construction

Aujourd’hui, pour un Nigérien qui veut construire sa maison, seuls le gravier, le sable, l’eau et une partie du ciment (car la majeure partie est importée) sont produits au Niger. Tout le reste est importé, rendant le coût de fabrication exorbitant et hors de la portée de la majeure partie des Nigériens.Pour une famille, se loger, est un besoin primordial et les autorités actuelles semblent l’avoir compris. En effet, le projet de construction d’une nouvelle cimenterie d’une capacité de production de 540 000 tonnes de ciment par an pour un marché nigérien de 300 000 tonnes de ciment par an, permettra au Niger d’être autosuffisant sur ce secteur. Il faut maintenant penser à avoir une industrie sidérurgique

3. Le textile

Il n’est pas question d’imposer un type de tenue vestimentaire aux Nigériens ; Il s’agit simplement d’une part, d’industrialiser la production des tenues traditionnelles nigériennes (boubou, pagne etc) et d’autre part, de promouvoir le stylisme occidental pour arriver à produire des costumes et tailleurs de qualité au Niger. Ainsi, nos dirigeants et les Nigériens qui le veulent pourront porter des costumes occidentaux, de bonne qualité, produits au Niger.

4. la santé

Ce n’est un secret pour aucun nigérien de savoir que nos dirigeants ainsi que ceux d’entre nous qui en ont les moyens, se soignent à l’étranger. Ces séjours hospitaliers sont très couteux et ce qui les font avancent que « la santé n’a pas de prix ». Nous ne pouvons qu’être d’accord avec eux. Peut-être, serait-il plus utile pour les Nigériens que l’Etat et nos compatriotes fortunés investissent dans le domaine de la santé pour que nous ayons au Niger ne serait-ce qu’un seul hôpital d’excellence dans lequel ceux qui en ont les moyens pourront se soigner. Cela aura au moins l’avantage de faire économiser les frais de séjour à l’étranger aux Nigériens qui se soigneront au Niger. Par ailleurs, l’expérience de cet hôpital d’excellence pourra être partagée avec d’autres hôpitaux nigériens et petit à petit, il y aura un deuxième hôpital d’excellence et ainsi de suite. 

Voila les défis qui attendent le Niger et les Nigériens. Le troisième défi, celui de l’émergence de « citoyens éclairés » est, de loin, le plus difficile à relever. Mais il est également celui qui sera le plus déterminant pour l’avenir du Niger. Nous devons commencer dès maintenant à agir car la route va être longue et les Nigériens n’en peuvent plus d’attendre.

En somme, pour espérer avoir un Niger prospère, il faut un cadre institutionnel et administratif qui défende l’intérêt national, il faut des fonctionnaires patriotes, des dirigeants qui donnent l’exemple et des citoyens éclairés.