Le nucléaire est-il réellement à faible coût ?

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L’argument du faible coût aurait différentes justifications.

D’abord la composante qui renvoie au prix du kWh d’électricité produite. À ce niveau, il faut rappeler que la particularité d’un projet de construction d’une centrale nucléaire, c’est la nécessité d’une prise en compte impérative de la gestion des déchets et une estimation réaliste du coût du démantèlement. Aussi, ce n’est pas tant le prix du kWh que ce qu’il renferme, ou devrait renfermer, qui est important. Les détails du calcul du prix du kWh devraient donc refléter l’ensemble des étapes. Doivent y être prises en compte les activités de construction, d’exploitation, de gestion des déchets et de démantèlement. Par conséquent, il ne suffit plus de brandir un chiffre, si avantageux soit-il, sans aucune explication sur les conditions de gestion des déchets radioactifs et de démantèlement. En effet, dans d’autres types de projet, quand une proposition de prix est beaucoup plus basse que le prix pratiqué, les détails peuvent paraître superflus. Ce n’est pas le cas pour un projet nucléaire.

 

Pourtant, cette pratique a encore largement cours. Ainsi, Monsieur Takoubakoye, dans son analyse citée plus haut, estimait que le KWh pourrait être facturé 38 F CFA au consommateur nigérien contre 75 F CFA actuellement. Malheureusement, il ne nous dit pas combien va coûter la construction d’une telle centrale, les conditions de son exploitation ainsi que la gestion de sa fin de vie. Par contre, il a un estimé précis du coût de l’option de l’énergie solaire. C’est exactement 12 Milliards $ US pour couvrir les besoins du pays en 2025. L’objectif principal est de démontrer que l’option de l’énergie solaire est trop chère par rapport au nucléaire. Ce qui peut être vrai, surtout dans une configuration de coopération régionale comme le préconise le président de la République. En effet, même s’il a prévu une exportation de l’électricité vers les pays voisins, l’auteur a basé toute son analyse sur une centrale nucléaire nigérienne. Mais, il y a tout de même d’une part, une estimation globale et de l’autre une estimation d’un prix sans dire à quoi il renvoie. Force est de reconnaître que, cette façon de faire ne favorise pas un exercice sain de comparaison avec les autres sources d’énergie afin de choisir la meilleure option pour le pays.

 

Apparemment, le fait qu’elle soit très importante ne fait pas, pour autant, de la gestion de fin de vie une composante prépondérante dans l’argument du faible coût. La raison serait en partie liée à la perspective lointaine de son avènement. L’impression que cette étape n’arrivera pas de sitôt complexifie, en effet, davantage toute projection. D’après le rapport français, cité plus haut, il est tout simplement impossible d’estimer avec certitude le coût des dépenses de démantèlement «faute d’expériences nationales ou internationales complètement comparables» (6). Il n’empêche que pour être complet, l’exercice de planification et de fixation du prix doit estimer le coût éventuel de cette étape dans le sens d’atteinte d’objectifs de sécurité des populations et de rentabilisation des investissements.

 

Ensuite, une autre justification du faible coût concernerait un éventuel transfert de technologies. Compte tenu de l’expertise française indéniable dans le domaine du nucléaire, du monopole d’AREVA en ce qui concerne l’exploitation de l’uranium nigérien et de nos relations avec la France en termes d’enjeux géostratégiques, une éventuelle centrale au Niger sera probablement française. Ce qui rend cet argument de transfert de technologies fort surprenant. Rien dans notre histoire commune ne peut justifier un tel optimisme. Les autres puissances font d’ailleurs, à peu près, la même chose. Elles ont toutes compris que leur supériorité technologique est leur plus grande arme. Même la Chine adopte la même posture. Ce qui fait que cet argument de transfert de technologies ressemblerait plus à un vœu pieux qu’à autre chose.

 

Enfin, il y’a la justification qui concerne l’indépendance énergétique. C’est peut-être l’argument le plus convainquant. Mais, à partir du moment où il n’y aurait pas transfert de technologies, il est difficile de parler d’indépendance énergétique. Il est certain que pendant un moment, il y’aura cette fausse impression d’indépendance. Mais ce sera juste pour quelques temps avant que le pays, pour s’adapter aux nouveaux besoins, ne retourne rechercher d’autres solutions. D’ailleurs, il ne serait pas surprenant que ce genre d’argument ait déjà servi quant il fallait signer le contrat avec le Nigeria. Les premières heures des indépendances se prêtent bien à ce type de discours. En effet, à cette époque, le mélange des concepts d’indépendance et de coopération bilatérale devrait constituer un cocktail fortement mobilisateur.

 

En fin de compte, il serait raisonnable de nuancer l’argument du faible coût. En effet, contrairement à ce qui est avancé, cela est loin d’être un acquis. Il faut refréner les ardeurs des uns et des autres car à y regarder de près, les différentes justifications sont loin d’être des évidences.

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