Perspectives d’un système durable de gestion des déchets urbains

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Image recyclageLes centres urbains du Niger, avec Niamey à leur  tête souffrent d’insuffisances sur toute la chaîne de gestion de déchets depuis la précollecte jusqu’au transfert et l’élimination. A ce jour, à l’exemple de Niamey,  le premier élément de la filière de gestion de déchet, à savoir l’évacuation, n’est présentement couvert qu’à 40%, et cela à quel coût ? Dans les autres communes urbaines du pays, le taux de couverture de collecte de déchets est en deçà de 30%. L’intervention de la société civile et du secteur privé a accru le taux d’évacuation des déchets au niveau des ménages, mais ceci a malheureusement facilité le développement des dépotoirs sauvages tout en réduisant la capacité de collecte municipale. La présence en milieu urbain de nombreux points de décharges publiques et sauvages montre les limites des systèmes actuels d’évacuation et de stabilisation (mise en décharge ou en enfouissement) tels que pratiqués par nos municipalités. Le problème de fonds s’articule autour de deux questions fondamentales : qu’en est-il vraiment ? Qu’est-ce qui doit être entrepris ? Ces deux questions invitent les forces de décision sur ce sujet, sous la vigilance d’une population avertie, à se demander : si la question des déchets reste toujours un sujet de débats et d’actions institutionnelles, législatives, politiques, avant de revenir au municipale tout en restant une inquiétude populaire, pourquoi nous n’arrivons pas à lui faire valoir pratiquement et définitivement toutes ses dimensions ?

En effet, si le reflet de la réussite du  mandat d’une équipe municipale se détermine visuellement par le degré de propreté atteint par son centre urbain en son temps, comment se fait-il que jusqu’aujourd’hui, aucune municipalité ne dispose d’une direction ou d’un programme de propreté ? L’inquiétude principale actuelle est que, fort malheureusement, les hiérarchies municipales ne se rendent pas à l’évidence que la filière de déchet n’est pas seulement sujet à des insuffisances organisationnelles, financières et matérielles, mais c’est tout d’abord une science en elle-même, qui doit être maîtrisée par les acteurs municipaux afin de répondre aux défis de gestion qui leur incombent ? Les quelques rares professionnels des municipalités perdent d’efficacité à force de fonctionner dans un système diluant et rudimentaire. En effet, le système de fonctionnement de la filière d’assainissement solide et liquide date des temps passés et devient, par conséquent, obsolète. Les points de réception finaux de déchets au Niger, communément appelé décharges, sont encore des carrières ou des trous d'excavation désaffectés. Actuellement, la tâche s’est accrue de façon exponentielle tandis que les ressources humaines, techniques et financières sont pratiquement restées stables ou ont peu évoluées.

En principe, pour mettre en place un système de gestion urbaine de déchets (plan d’actions, activité, programme, projet), il faut s’assurer que les conditions de son initiation, de sa capitalisation et de sa durabilité sont bien étudiées. L’initiation doit se baser sur le type de population productrice des déchets, leurs coutumes et traditions, et aussi leur niveau de vie et de perception de la question déchet. La capitalisation d’une application d’un système de gestion de déchet est très attachée à ces aspects sociaux, culturels et communautaires mais aussi reste liée aux aspects institutionnels et financiers mis en place ainsi que les spécifications techniques et/ou technologiques consenties. La durabilité du système dépend surtout de l’acceptation sociale et culturelle de la pratique, de la capacité des opérateurs cibles à maîtriser les équipements et la technologie, de la conformité organisationnelle de l’institution mise en place, de l’efficacité économique et du taux de recouvrement financier de l’activité.

Notre pays s’est lancé dans une politique d’adoption des pratiques municipales venues d’ailleurs. C’est bien faisable mais sans aucune garantie de réussite. D’ailleurs, cette faisabilité a des coûts énormes que nos municipalités ne font qu’endosser depuis des années et risquent de continuer d’endosser. Comprenons qu’on ne peut pas copier des systèmes de gestion de déchets appliqués ailleurs pour penser résoudre le problème chez soi. Une technique de gestion qui s’est avérée efficace dans une commune ou quartier peut s’avérer inefficace dans une autre commune ou quartier, aussi proche qu’elle/il paraît être. Il suffit d’une divergence culturelle, religieuse, industrielle, ou commerciale pour que l’investissement soit hypothéqué. Les municipalités nigériennes doivent s’inspirer de nos réalités ancestrales, coutumières, communautaires et socioéconomiques tout en se basant sur les pratiques et les initiatives locales auxquelles on pourrait organiser et institutionnaliser des référentiels technologiques, environnementaux, réglementaires et institutionnels.

Bien de nos pratiques ancestrales nous offrent des pistes de solution. Il s’agit de désensablage, de l’épandage, du terrassement, etc. Nos municipalités ne se sont jamais investies pour  comprendre le fonctionnement social d’antan, perdant du coup de potentielles voies salutaires. Par exemple, la valorisation du désensablage, une pratique bien connue dans les zones sahélo-sahariennes à travers un outil dit « massaki », pourrait permettre de réduire considérablement (entre 40-60%) la masse de déchet urbain à évacuer, à transporter et à traiter. Le développement de cette pratique au niveau des ménages et au niveau des dépotoirs est parfaitement envisageable et faisable.

Au delà de la valorisation de ces acquis ancestraux, des politiques projetant la capitalisation des pratiques informelles de réutilisation, de récupération et du recyclage doivent voir le jour. La réutilisation permettra de conserver la plus grande partie du déchet pouvant rester en état d'être utilisé par soi-même ou un tiers. Les produits qui ont subi une usure mais restent utilisables après de menues réparations peuvent être transmis à d'autres usagers moins regardants sur leur état général. Des démarches appropriées existent et sont source de récupération considérable des déchets ménagers mais aussi des déchets commerciaux, de restauration et ceux issus de certaines industries. Plusieurs solutions de recyclage sont développées dans nos régions et deviennent de plus en plus des technologies propres. Ces technologies procurent du matériau de première nécessité par leur transformation en des produits de substitution dans le domaine de bâtiment, de travaux publics, d’aménagement des centres urbains, de l’énergie domestique, de mobilier, d’amendement, de fertilisation des sols, etc. Mieux, de nos jours, des expertises locales permettent de faire du déchet un potentiel d’action de promotion de biodiversité et de lutte contre la désertification. Toutes ces technologies se développent de plus en plus à l’échelle locale. Le matériel est à priori disponible et l’expertise de la mise en application se fait moins rare. Il reste seulement à peaufiner  le développement technologique en tenant compte des aspects sanitaires et environnementaux liées à ces activités.

Malheureusement, les municipalités ont toujours préféré investir dans des opérations tampons qui consistent à organiser des séances publiques de salubrité ou d’évacuation de déchets urbains. L’idée d’évacuer est incontournable mais jusqu’aujourd’hui toutes ces actions de salubrité n’ont fait que déplacer juste le problème sans le résoudre. Les opérations tampons ne pourront demeurer que des solutions ponctuelles tant qu’elles ne seront pas accompagnées par l’application des mesures réglementaires déjà existantes (par exemple le code d’hygiène publique) et des actions complémentaires de suivi qui malheureusement font défaut. Par exemple, un dépotoir sauvage désinstallé par une opération-tampon n’est réussi que par le système de surveillance mis en place à travers la mise en valeur du milieu (création d’espaces verts, placement des petits points commerciaux, etc.). Aussi, il serait très intéressant d’accompagner l’évacuation jusqu’au lieu de rejets et s’assurer que cet endroit répond aux critères sanitaires et environnementaux requis.

La réussite d’une action municipale de gestion de déchets reste fondamentalement liée à l’engagement de sa population. Il est vrai au vu de l’indice de pauvreté actuel au Niger, il est très difficile d’inciter notre population à s’occuper du déchet pour la simple raison qu’il est une nuisance. Par contre, la prise de conscience peut  provenir du constat, de plus en plus continu, sur la valeur ajoutée potentielle du déchet et son apport vers l’amélioration des conditions de vie financière et économique. C’est l’occasion pour les municipalités de concentrer bien plus d’efforts sur toutes les activités existantes ou possibles de valorisation de déchets. Ces activités seraient bien pratiques dans les zones pauvres. Cette population est plus  sensible à toute activité pouvant garantir sa survie qu’aux nuisances des déchets qui peuvent l’affecter. Ainsi, on pourrait permettre le développement des activités de tri, de séparation, de récupération, de réutilisation et du recyclage. Cependant, Il reste nécessaire de mettre au point des programmes d'amélioration des conditions de travail des acteurs de ce métier, éboueurs et chiffonniers, qui sont des couches sociales vulnérables souvent exploités par les prestataires de collecte au mépris des conditions idoines de salaires, de santé et de sécurité. Alors, peut-on élaborer des mesures réglementaires et incitatives afin d’encourager la population à continuer de développer durablement des initiatives personnelles et communautaires de gestion et de valorisation de déchets dans   le respect strict des conditions de santé, d’hygiène et de sécurité ? Le résultat serait une nouvelle vision du déchet d’abord comme matière première transformable et ensuite comme sous-produit approprié répondant au besoin de la population locale dans plusieurs domaines sectoriels mais aussi l’amélioration « gratuite » de notre cadre de vie.

Bien de prestataires locaux disposent présentement d’expertise à tous les niveaux de la conception et de l’organisation du métier  de l’hygiène et de l’assainissement. Il devient de plus en plus nécessaire pour  les municipalités d’étudier officiellement et efficacement la potentialité nationale de sous-traitance dans le domaine d’assainissement. Cela consiste à identifier les structures privées et porter un diagnostic sur leur capacité à contractualiser. Cet examen portera notamment sur les capacités financières, techniques de gestion et sur, éventuellement, les possibilités de s’allier avec d’autres structures (locales ou internationales). Le diagnostic devra permettre de faire des propositions pour renforcer les capacités de ces structures par un programme de mise à niveau qu’il conviendrait de développer, et aussi d’étudier l’impact prévisible des opérations de sous-traitance sur le plan technique, financier et social auprès de la population et des cadres des collectivités locales. Cependant,  on se doit de renforcer les capacités techniques et humaines des services municipaux afin d’être en mesure de mettre en œuvre  des opérations de sous-traitance et d’en assurer le suivi et le contrôle de performance.

En conclusion, personne ne peut entretenir chez soi mieux que soi-même ! L’alternative nationale plausible reste une initiative strictement locale, plus modeste, soit supportée par un investissement judicieux, éventuellement en partie aidée et confiée à un tiers quant à son  exécution au jour le jour, soit prise en charge par un acteur local suffisamment proactif et prêt à s’engager, s’il reçoit un encouragement sans faille et sans états d’âme de la part des municipalités. Quoiqu’il en soit, il faut nécessairement réfléchir à la mise en place, à défaut d’une agence nationale de gestion de déchets, des directions municipales d’hygiène et d’assainissement. L’entité retenue se doit d’être capable de centraliser la problématique urbaine de gestion de déchet à son niveau, avec un seul responsable et avec un seul référentiel hiérarchique. Cette agence s’occupera essentiellement de l’identification et de la promotion des solutions louables de gestion des déchets ainsi que de la gestion des institutions et organismes et autres acteurs potentiellement intéressés par la question.

 

Moussa Dogo Ali

Bureau Africain de Formation et d’études

Stratégiques en Gestion de Déchets.

GVD – Afrique

www.gvdsa.com

Commentaires

Félicitation

Bonjour Cher(s) fréres et soeurs,

J'ai participé, suite à l'invitation de l'association des Nigeriens en îles de France à assister à la présentation sur la reflexion autour de l'exploitation petroliére au Niger.

Je vous avoue que j'ai beaucoup aimé le débat trés intellectuel qui a vu la participation des personnes de compétences diverses.Aussi je tiens à vous féliciter pour le professionalisme que vous avez fait usage.

Vos efforts pour organiser cette rencontre n'ont  pas été vains.

Trés cordialement.

Adamou

Félicitation

Bonjour Cher(s) fréres et soeurs,

J'ai participé, suite à l'invitation de l'association des Nigeriens en îles de France à assister à la présentation sur la reflexion autour de l'exploitation petroliére au Niger.

Je vous avoue que j'ai beaucoup aimé le débat trés intellectuel qui a vu la participation des personnes de compétences diverses.Aussi je tiens à vous féliciter pour le professionalisme que vous avez fait usage.

Vos efforts pour organiser cette rencontre n'ont  pas été vains.

Trés cordialement.

Adamou

Cette une reflexion tres

Cette une reflexion tres pertinente qui a cerne effectivement la problematique de la gestion des dechets urbains. Les reponses proposees sont non seulement innovantes mais aussi et surtout pratiques et accessibles. De telles contributions doivent continuer a enrichir le debat, afin non seulement d'eduquer le public, les elus et les responsables techniques, mais de presser aussi ces derniers a operer un changement profond de comportement dans la production et la manupulation du dechet et la gestion dont il fait l'objet, pour le bien-etre de tous.   

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