En 1978, deux initiatives indépendantes et simultanées marquent la naissance d’un secteur nouveau pour financer les activités entrepreneuriales des plus pauvres, sans exiger d’eux des garanties.
Au Bangladesh, un jeune professeur d’économie rurale à l’Université de Chittagong, Muhammad Yunus (Prix Nobel de la paix 2006), rencontre 42 femmes obligées d’emprunter auprès d’usuriers pour acheter la paille nécessaire pour rempailler des chaises, avec un taux d’intérêt hebdomadaire de 10 %. Ne trouvant aucune banque pour leur prêter de quoi échapper à ces usuriers, il leur prête lui-même l’équivalent des 26$US nécessaires. Le mouvement en forte croissance sera formalisé en 1983 au travers de la célèbre Grameen Bank.
Simultanément, à l’autre bout du monde, au Venezuela, Joseph Blatchford, joueur de tennis américain crée ACCION, une ONG visant à aider les plus pauvres à s’aider eux-mêmes. Il commence à installer des lignes électriques, à construire des écoles et des centres communautaires, puis décide de soutenir des micro-entreprises et des programmes qui les soutiennent.
La microfinance se définit par l'offre de services financiers (épargne, crédit, assurance, etc.), à destination des plus pauvres. Elle s'adresse à des personnes à faible revenu, n'ayant pas accès aux institutions financières classiques, sans activité salariée régulière et sans possibilité de présenter de garanties bancaires habituellement reconnues.
Aujourd'hui[1], la microfinance touche 150 millions de personnes dans le monde (dont 80% de femmes), servies par plus de 10 000 Institutions de microfinance - IMF (coopératives, ONG, banques de microfinance) ou banques commerciales. On estime à 500 millions le nombre de personnes toujours en attente de financement .
Statistiques mises à jour en 2010 :
La Banque Centrale des États Afrique de l’Ouest (BCEAO) privilégie le terme de Système Financier Décentralisé (SFD) en lieu et place de « microfinance ». Selon elle, les SFD regroupent l’ensemble des organisations et autres structures qui offrent des produits et services financiers de proximité à une population qui n’a pas accès au système bancaire classique.
Cette approche, loin d’être spécifique à la BCEAO, est née de la reconnaissance de la nécessité d’atteindre la pérennité financière plutôt que de dépendre de fonds octroyés par des bailleurs. Elle se fonde sur les principes suivants :
La croissance de l’activité du client ou l’impact du crédit sur la pauvreté étant difficiles à évaluer, la portée du crédit et le taux de remboursement tiennent lieu d’indicateurs d’impact.Selon les estimations de la BCEAO[1], le secteur de la microfinance regroupe à fin décembre 2008 dans l’UEMOA :
Les transactions réalisées par ces institutions sont évaluées à 459 milliards de FCFA pour l’épargne collectée et 442 milliards de FCFA pour l’encours des crédits.
Au début des années 90, le secteur regroupait à peine une centaine d’institutions de microfinance qui détenaient un portefeuille de crédits de moins de 20 milliards de FCFA pour un encours des dépôts de 15 milliards de FCFA environ.
L’actualité du secteur en Afrique de l’Ouest est marquée par une forte évolution du cadre règlementaire (janvier 2010) rendue nécessaire par l’exigence d’une meilleure adaptation entre la forme juridique du SFD et son environnement économique. Ainsi, plusieurs éléments d’importance ont été précisés et mis à jour : les formes juridiques limitatives possibles, le référentiel comptable, les normes prudentielles, le contrôle externe de l’information financière…
Les impacts attendus auront une incidence significative sur le fonctionnement du secteur ; notamment en matière de gouvernance, de systèmes d’information, de contrôle interne, d’infrastructures, de ressources humaines, de régime fiscal…
Au Niger, la microfinance formelle est née des réflexions sur le financement de l’agriculture, suite à la disparition à la fin des années 90 des principales institutions de crédit mises en place par l’Etat. Des solutions alternatives furent alors recherchées notamment au niveau de la mise en place de structures de type coopératives d’épargne et de crédit.
Après une étude de faisabilité menée par l’Université d’Ohio, une phase pilote est initiée par WOCCU (Alliance mondiale des coopératives d’épargne et de crédit) de 1987 à 1992. Cette phase a vu la création de 11 caisses dont la première caisse a été mise en place à Sassoumbroum (au Sud-Est) dans la région de Zinder, en mars 1990.
En 1996, l’adoption par le Niger de la loi PARMEC et ses décrets d’application, dénote de l’importance accordée au secteur de la microfinance et fournit un cadre juridique propre aux systèmes financiers décentralisés (qui jusqu’alors étaient régis par la loi bancaire) et définissant les conditions d’exercice de leurs activités.
La décennie 1990 a été celle de l’essor du secteur avec l’émergence de nombreuses autres institutions de microfinance et de projets et programmes à volet crédit. Ceci a eu pour effet une rapide augmentation tant du nombre de bénéficiaires que du volume de crédit distribué et de l’épargne collectée. Toutefois, cet élan est ralenti par les crises financières qui ont affecté trois importantes institutions de microfinance : le réseau MCPEC, la CPEC TAIMAKO (aujourd’hui tous les deux sous administration provisoire) ainsi que la mutuelle ADDACHE. (aujourd’hui liquidée).
La décennie 1990 a été également marquée par la création des deux réseaux que compte actuellement le secteur de la microfinance au Niger :
Les autres expériences de crédit développées au cours de la décennie 90 ont évolué sous diverses formes. On peut noter :
Dans cette catégorie, on trouve le système Mata Masu Dubara (femmes ingénieuses) développé par l’ONG CARE International au Niger et le système Weyborey Kokaro Nafa (WKN) développé par l’ONG Plan International (tous deux inspirés des tontines traditionnelles), les prêteurs privés et les banquiers ambulants qui moyennant une rémunération élevée peuvent rapidement réagir à une demande de crédit.
Les tontines traditionnelles entre groupes de femmes, d’hommes ou mixtes, bien antérieures aux autres types de financement décentralisé sont encore très courantes au Niger et se pratiquent aussi bien en zones rurales qu’urbaines.
L’offre de produits des SFD se limite essentiellement à l’épargne et au crédit. Ce dernier est à court terme compte tenu de la volatilité de l’épargne et de l’insuffisance de ressources stables. Néanmoins quelques grandes IMF offrent dans les centres urbains, des services de transfert d’argent et de microassurance.
Extraits des termes de référence d’une mission d’audit de l’ensemble des SFD du Niger, en 2010, pour le compte du Projet de Développement du secteur de la Microfinance – PDSF : « Au 31 décembre 2008, cent soixante trois (163) SFD sont enregistrés sur le Registre du Ministère de l’Economie et des Finances (ME/F). Parmi les 163 SFD enregistrés sur le Registre du ME/F, trente sept (37) sont en cessation d’activité. La cessation d’activité de ces SFD fut établie soit au moment de l’inventaire de 2006, soit à partir des données fournies par les réseaux. Finalement, le secteur de la microfinance au Niger comprendrait, au 31 décembre 2008, cent vingt six (126) SFD actifs dont 121 avec un agrément et 5 non agréés mais traités comme tels dans les statistiques du ME/F. »
Pour aller plus loin :