Matières premières : comment profiter d’un boom ?




Il est capital pour un Etat de pouvoir compter sur des recettes prévisibles qui autorisent les projections budgétaires. Cette aversion au risque de fluctuations pousse souvent certains Etats, en partenariat avec des multinationales étrangères, à opter pour des formules qui leur garantissent des revenus stables; mais qui sont peu évolutives et insensibles aux variations des cours des matières premières sur le marché mondial.
Les conventions protectrices, généralement établies autour d’un prix fixe et garanti sur le long terme, protègent de la volatilité des cours sur le marché mondial, assurent un certain niveau de revenus en période de baisse des prix ; mais en contrepartie ces formules ne permettent pas de profiter pleinement des périodes de hausse.
Or la fin annoncée de l’ère des énergies fossiles ainsi que l’émergence de nouvelles puissances économiques, créent les conditions structurelles d’une tendance durable à une hausse des prix, et ce, malgré une conjecture économique mondiale difficile.
Il est donc urgemment opportun de remettre en cause le modèle actuellement en vigueur au Niger et de discuter des meilleures options pour une nouvelle politique minière, à même de permettre au Niger de tirer profit pleinement de ses richesses.
Les différents types de recettes minières au Niger
Actuellement, les recettes de l’industrie minière nigérienne peuvent être regroupées en 2 catégories :
- la première catégorie est constituée par la redevance minière, la redevance superficiaire1, les droits fixes2, la taxe d’exploitation artisanale et la vente des cartes d’artisans miniers3,
- la seconde catégorie regroupe essentiellement les revenus perçus sous forme de dividendes par l’Etat (en fonction de sa participation au capital des sociétés minières) ainsi que l’impôt sur les sociétés appelé IC/BIC (impôts cédulaire sur les bénéfices industriels et commerciaux).
Le Niger a l’avantage d’avoir ses redevances minières indexées au chiffre d’affaires et non au résultat d’exploitation. Elle dépend du rapport du Résultat d’Exploitation par les Produits d’Exploitation4 :
- si le rapport est inférieur ou égale à 20% alors le taux est 5,5%,
- si le rapport est compris entre 20% et 50%, le taux est de 9%,
- si le rapport est supérieur ou égal à 50%, le taux est de 11%.
Quelques pistes pour améliorer les recettes minières
Le renchérissement des prix des matières premières entre 2001 et 2008 a poussé les industriels miniers à élaborer une nouvelle règle de vente des produits miniers appelée « Participatory Hedging »6 permettant, contrairement à ce qui se fait actuellement au Niger, d’assurer un minimum de prix de vente acceptable, mais qui devient évolutif à partir d’un seuil d’augmentation des prix sur le marché (ce seuil est négocié à l’avance).
C’est une formule qui augmentera le chiffre d’affaire, donc la redevance minière, pendant les booms des prix sur le marché tout en garantissant un niveau prévisible de ressources pendant les périodes de morosité.
Le deuxième axe d’amélioration possible est la participation de l’Etat dans la commercialisation des ressources minières. Ce qui vient de commencer avec les nouvelles clauses sur l’uranium signées entre l’Etat Nigérien et ses partenaires miniers. Il faut alors s’inspirer de ce système, le consolider et le généraliser à d’autres ressources comme l’or.
Le troisième axe est l’augmentation systématique de la participation de l’Etat dans le capital des entreprises minières. Actuellement la loi plafonne la participation de l’Etat dans le capital des sociétés minières à 40%7 ; cette participation est faite par l’intermédiaire de la SOPAMIN (Société de Patrimoine des mines du Niger).
Ainsi la part de l’Etat nigérien dans le capital de SOMAÏR (Société des Mines de l'Aïr - Uranium), COMINAK (Compagnie Minière d'Akouta - Uranium), SML (Société des Mines du Liptako - Or), SOMINA (Société des Mines d'Azelik - Uranium) et IMOURAREN (Société d'exploitation d'Imouraren - Uranium) est respectivement de 36,6%, 31%, 20% , 33 % et 33,5%.
L’objectif est de prendre systématiquement cette part légale de 40% dans toutes les sociétés, offrant ainsi l’opportunité de commercialiser jusqu’à 40% de la production de nos mines. D’où l’opportunité de faire du « Forward Hedging » entre la société et ses actionnaires et par la suite le Niger peut faire du « Participatory Hedging » en complément de la revalorisation de ses 40% de la production auxquels il peut aspirer.
Le quatrième et dernier axe et qui semble plus accessible dans sa mise en place, est une véritable présence de l’Etat dans le suivi, le contrôle, l’audit des sociétés minières sur la tenue des comptes d’exploitation ainsi que la gestion de ses différentes rubriques. Ce qui évitera de vivre des expériences comme celle de la seule mine d’or actuellement en service et qui, après 4 ans d’existence, continue mystérieusement de produire des résultats d’exploitation négatifs alors que le seuil de rentabilité était établi à 2 à 3 fois moins que le prix spot actuel suite à l’étude de faisabilité préalable à sa mise en exploitation. Certes cette situation ubuesque est en partie liée à la convention minière pratiquée dans cette société, mais il est clair qu’une présence plus efficace de l’Etat aurait certainement permis d’améliorer l’impact financier de cette activité sur le Trésor National.
Synthèse
Compte-tenu du contexte mondial structurellement haussier, il est temps de repenser la politique minière du Niger. Pour cela plusieurs options peuvent être mises en œuvre comme :
- l’indexation partielle du prix long-terme sur le cours spot des matières premières,
- la commercialisation d’une partie de la production directement par l’Etat,
- la présence renforcée de l’Etat dans le capital des sociétés d’exploitation,
- et un contrôle plus rigoureux de la transparence de l’exploitation minière et des comptes de résultats des sociétés.
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