Mendicité au Niger, un phénomène social choquant

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Mendiant main tendue

Par Kadidia Ali Dialli

Quiconque s’est promené dans les villes du Niger a constaté la présence grandissante des mendiants aux coins des rues.

Ce phénomène social, certes universel, est particulièrement visible dans les rues de Niamey où les mendiants ont investi les places publiques, les carrefours, les feux optiques, les marchés, les rues.

On ne peut raisonnablement parler du phénomène de mendicité au Niger sans le mettre en perspective avec deux problèmes préoccupants majeurs : l’extrême pauvreté dans laquelle végète encore l’écrasante majorité de la population d’une part, et d’autre part, le sentiment que le combat contre cette pauvreté n’est pas à la hauteur du défi qu’elle représente.

Cependant la mendicité ne s’explique pas seulement dans toute son expression par la pauvreté. Des facteurs sociaux, culturels et une mentalité d’assistanat contribuent aussi à alimenter le phénomène.

Nombre de mendiants des rues du Niger sont des personnes handicapés. Ici le moindre handicap physique (handicapés moteurs, aveugles…) est un prétexte accepté de la société pour s’adonner à la mendicité. Par ailleurs un grand nombre de mendiants des villes sont des enfants venus du village étudier le coran. Ils sont confiés par leur parents à un maître qui les amène en ville et les jette dans la rue pour qu’ils mendient à son compte la journée ; ils étudient péniblement le coran le soir après leur dure journée dans les rues. D’autres enfants mendient également parce qu’ils n’ont plus que la rue comme famille ou repère. Enfin une partie des mendiants sont des personnes bien portantes ne souffrant ni d’handicap physique ni d’abandon familial, qui ont décidé consciemment d’en faire un véritable métier.

C’est cette catégorie de mendiants qui apparaît comme la plus moralement discutable. C’est de cette catégorie qu’il est question dans la suite de cet article.

Il s’agit véritablement d’une partie de la population qui a décidé de tirer ceux qui essayent de s’en sortir vers le bas.

Ils font partie du décor de la ville, ces individus qui se lancent dans la mendicité sans être sous le poids d’une contingence insupportable.

C’est presque du harcèlement la façon dont procèdent les mendiants de Niamey et l’on se trouve parfois dans une situation d’impuissance totale où l’on se voit dans l’obligation de céder.

Le plus souvent ils ciblent leur «  victime » selon le standing de leur véhicule ou l’élégance de leur habillement par exemple, se disant probablement qu’elle a de l’argent à « jeter »  par les fenêtres et que c’est presque une obligation pour elle de céder à leurs caprices.

Une fois la cible choisie, ils se lancent à une « course poursuite » qui peut durer quelques bonnes minutes, jusqu’à ce que le poursuivi se rende ou que le poursuiveur voit qu’il n’ya aucun espoir et déclare forfait.

Cependant avec ma petite connaissance en science islamique, je doute bien que ce soit là une manière pour quelqu’un qui se dit musulman de se comporter envers les autres.

Si l’Islam recommande au fidèle la générosité entre frères, il exhorte encore plus à chacun un effort personnel pour subvenir à ses besoins

Mais il est triste de constater que certains individus utilisent la religion comme prétexte à leur fainéantise et profitent ainsi pénardement pour vivre à la charge des autres.

Dans les maisons, mosquées, carrefours, stations services, ou même des lieux improbables…, on retrouve ces personnes qui se disent mendiants alors que pour la plupart, Dieu les a doté de toute leur faculté et toute leur capacité pour trouver un travail, ne serait-ce que celui de docker au marché de Katako, ou n’importe lequel d’ailleurs car on connait bien l’adage : «  il n’ya pas de sot métier… » , mais qui au lieu d’utiliser leur énergie pour gagner dignement leur vie viennent rançonner les pauvres citoyens qui vaquent à leurs occupations, qui pour la plupart probablement par peur d’une foudre divine cèdent facilement à ce que l’on pourrait qualifier de  « racket ».

Pire encore il y’en a parmi les mendiants d’aujourd’hui qui exigent carrément ce qu’on doit leur donner : c’est ce que j’appelle les « mendiants VIP »qui refusent nourritures ou même céréales qu’on viendrait à leur proposer et qui on ne sait pour quelles raisons n’acceptent que le FCFA en espèce sonnante et trébuchante !

Les mendiants de cette ville sont souvent plus riches que certains fonctionnaires de l’Etat (sans exagérer) ; parfois même ce sont eux qui vous proposent de vous faire la monnaie si bien sûr il y voit un intérêt dedans.

Une partie de la population qui décide de vivre tout bonnement aux dépens des autres ne peut être qu’un frein au développement de notre pays, d’autant plus que nous n’en sommes que sur la voie.

S’il est recommandé à ceux qui ont les moyens de faire preuve de générosité, l’Islam ne permet pas au musulman qui peut subvenir à ses besoins de réclamer quoi que ce soit à quelqu’un. 

En effet le célèbre Imam Boukhary dans son Sahih rapporte les paroles du Prophète: «  Que l’un d’entre vous transporte sur son dos des fagots de bois est meilleur pour lui qu’il ne réclame de l’argent auprès de qui que ce se soit, et que cet argent lui soit donné ou non ».

Mais le constat est pathétique dans notre pays où l’on voit que parmi ceux qui choisissent de mendier (car c’est un choix pour la plupart), il ya des hommes et des femmes qui sont bien portants mais qui pensent qu’il est meilleur pour eux de vivre sur la générosité des gens.

« Celui qui réclame alors qu’il possède ce qui lui suffit, viendra le jour du jugement le visage griffé et balafré », rapporte Abdoullah Ibn Mas’oud.

En effet parce que la mendicité porte atteinte à la dignité et à l’honneur de l’homme il ne serait pas trop demandé que les autorités compétentes prennent  leur responsabilité pour une fois afin d’encadrer au moins cette pratique:

  • Tout d’abord par la sensibilisation, en expliquant à ces gens qui se lancent dans le « métier » de la mendicité n’importe comment et qui font de la religion un bouclier, ce qui est vraiment prescrit à ce sujet.
  • Prendre des dispositions idoines pour que les quelques points stratégiques contribuant à l’embellissement de cette ville ne soient pas envahis de n’importe quelle manière, garantissant ainsi une bonne image et faisant de Niamey une ville moderne et coquette.
  • Le point le plus important serait de prendre le problème en amont, en trouvant une solution réelle aux populations rurales qui quittent leurs villages pour envahir la ville où ils espèrent trouver une meilleure condition  de vie mais qui en réalité se trouvent bafoués dans tous leur être et leur dignité qui font d’eux des êtres humains (insultes, moqueries et j’en passe). Par-dessus tout faire en sorte qu’il n’existe plus une grande disparité entre les niveaux de vie urbain et rural serait sans aucun doute un début de solution à ce problème.

Bibliographie :

1.     Le regard de M. Yahaya Sani Janjouna (socio-anthropologue) sur le phénomène de la mendicité dans la ville de Niamey 
2.     Rues de Niamey, espace et territoires de la mendicité – Politique Africaine n°63 Octobre 1996

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