Rôle de la planification familiale sur la réduction de la fécondité au Niger : entre mythes et réalités

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Par Harouna Balkissa Brah 

Planification familiale« Il y a plus de 20 ans, le Niger a identifié le contrôle de la croissance démographique comme une priorité dans sa stratégie de lutte contre la pauvreté. Mais, les taux de natalité sont toujours en train d’augmenter ». The Economist, 2014[1].

Introduction

 

Le Niger détient le record mondial de la fécondité, avec un Indice Synthétique de Fécondité (ISF)[2] de près de 8 enfants en moyenne par femme (FNUAP, 2013). Le premier programme public de planification familiale du pays a vu le jour en novembre 1984. Malgré les efforts consentis, une trentaine d’années après, la fécondité reste toujours élevée, l’objectif de 25% d’utilisation de contraceptifs en 2015 fixé par la politique nationale de planification familiale (2012-2020) n’a probablement pas pu être atteint. En effet, selon les estimations des Nations Unies, en 2015, environ 16% des femmes nigériennes mariées auraient utilisé une méthode de contraception quelconque, et 10% parmi elles, auraient eu recours à une méthode moderne de contraception.

Dès lors, il devient fort légitime de s’interroger sur le rôle véritable de la planification familiale sur la réduction de la fécondité au Niger: pourquoi les programmes de planification familiale mis en œuvre depuis des années n’ont pas donné les effets escomptés? Quels changements les pouvoirs publics devraient-ils entreprendre pour que la politique de planification familiale puisse avoir un impact significatif sur la réduction de la fécondité ? Sur la base d’une revue de la littérature sur la planification familiale, nous avons identifié des mythes et des réalités, qui nous ont permis de mieux appréhender la complexité de la relation entre la planification familiale et la fécondité dans le contexte spécifique de ce pays confronté à une des plus fortes croissances démographiques au monde.

 

1.  L’attitude des autorités nigériennes vis-à-vis de la planification familiale

 

Premier mythe : les autorités nigériennes ont manifesté tôt leur volonté de maîtriser la croissance démographique 

A l’instar de la majorité[3] des autres pays africains, c’est seulement à partir de 1984, suite à la Conférence décennale internationale sur la population tenue à Mexico, que la position du gouvernement nigérien a commencé à évoluer d’une réticence vis-à-vis de la planification familiale vers son acceptation progressive. C’est ainsi qu’en février 1985, lors d’un discours officiel, pour la première fois dans l’histoire du pays, le président de la République[4]a évoqué la nécessité d’une réflexion nationale sur l’impact de la forte croissance démographique sur la croissance économique.

Mais, entre 1985 et l’élaboration d’une politique nationale de planification familiale, plus d’une dizaine d’années se sont écoulées. La volonté de maîtrise de la croissance démographique ne s’est pas manifestée plus tôt qu’on pourrait le penser. Ce premier mythe est une des raisons avancée pour expliquer le maintien des taux de fécondité élevés. En effet, la prise en compte tardive de la planification familiale a sans doute contribué à expliquer les faibles progrès en matière de réduction de la fécondité. Potts et al. (2011) ont estimé que si les autorités avaient mis en œuvre une politique de planification familiale plus tôt, la pression démographique ne serait pas aussi insoutenable qu’elle l’est aujourd’hui.

Second mythe: l’engagement des autorités nigériennes à maîtriser la croissance démographique est indéniable

A travers l’appui direct à des projets de développement ayant pour objectif la maîtrise de la croissance démographique comme le projet régional « Autonomisation des Femmes et Dividende Démographique au Sahel, financé par la Banque Mondiale[5], qui a été lancé officiellement en novembre 2015, on pourrait effectivement penser qu’il existe un engagement clair des autorités nigériennes pour la maîtrise de la croissance démographique. Mais, qu’en est-il réellement?

Pour Potts et ses collaborateurs (2011), l’engagement du gouvernement nigérien serait insuffisant, il reste encore beaucoup d’efforts à fournir. En se référant à l’appréciation officielle des Nations Unies dans leur rapport sur les politiques démographiques dans le monde, l’intervention des autorités nigériennes vis-à-vis de la maîtrise de la croissance démographique était jugée faible en 2013 (Nations Unies, 2013). Certes, il est louable qu’aujourd’hui, il y ait une volonté politique affichée, mais cela est-il suffisant au vu de l’ampleur des défis ?

A peine 1% du budget du Plan de Développement Economique et Social (PDES 2012-2015) a été attribué à l’axe stratégique visant la maîtrise de la croissance démographique. Les autorités ne devraient-elles pas évoluer vers un engagement plus manifeste en consacrant davantage de ressources publiques à la planification familiale, car pour le moment, la majorité des financements provient des partenaires externes (The Economist, 2014) ?

 

2.  Le niveau des besoins non satisfaits en planification familiale 

 

Le concept de besoins non satisfaits en planification familiale joue un rôle clé dans une politique de planification familiale. Ce concept est défini de deux façons : le besoin de planification familiale pour espacer les naissances et le besoin de planification familiale pour limiter les naissances. Les besoins non satisfaits pour limiter les naissances sont mesurés à travers la proportion des femmes mariées qui ne veulent plus d’enfants mais qui ne sont pas en train d’utiliser une méthode efficace de contraception. Les besoins non satisfaits pour l’espacement des naissances sont estimés à partir de la proportion des femmes mariées qui veulent repousser leur prochaine grossesse dans un délai de deux années ou plus mais qui n’utilisent pas une méthode efficace de contraception. En fait, l’évaluation des besoins non satisfaits en planification familiale nous donne une estimation de la proportion des femmes qui sont des utilisatrices potentielles de méthodes contraceptives (Gribble, 2012).

Troisième mythe : les besoins non satisfaits en planification familiale sont élevés au Niger

Parmi les trois hypothèses définies par Seltzer (2002) pour expliquer les objectifs démographiques de la planification familiale, deux hypothèses sont directement liées au comportement des couples vis-à-vis de la planification familiale : (1)  les couples dans les pays en développement veulent moins d’enfants et sont intéressés par des services de planification familiale ; et (2) en rendant la contraception disponible à grande échelle, on peut satisfaire effectivement les besoins des couples de réguler la fécondité. Ainsi, la planification familiale au Niger a été conçue sur la base de l’hypothèse selon laquelle les besoins non satisfaits de planification familiale seraient élevés comme c’est le cas généralement dans les pays en développement ayant des niveaux de fécondité élevés. Pourtant, les différents auteurs ayant analysé la question semblent unanimes sur une même réalité : les besoins non satisfaits de planification familiale sont relativement faibles au Niger.

Dans un article sur la fécondité au Niger, Potts et al (2011) réaffirment la faiblesse des besoins non satisfaits de planification familiale au Niger, car ils constatent que « le Niger est un des seuls pays au monde avec peu ou pas de besoins non satisfaits de planification familiale non pas à cause d’un faible accès aux méthodes contraceptives, mais plutôt à cause d’une culture fortement pro-nataliste dans laquelle la taille de famille désirée est même supérieure à la taille actuelle. Plus d’un quart des femmes de plus de 40 ans ont 10 enfants ou plus ! Seulement une femme nigérienne sur 100 souhaite avoir au plus deux enfants ».

Toutes les estimations de World Contraceptive Use[6] sur les besoins non satisfaits, réfutent aussi l’hypothèse d’un niveau élevé des besoins non satisfaits de planification familiale au Niger. Ainsi, en 2015, les besoins non satisfaits seraient environ de 17,6 % ; ce qui signifie qu'une grande majorité (82,4 %) de femmes nigériennes mariées ne seraient pas des utilisatrices potentielles de planification familiale. En comparant les données de 2015 du Niger avec celles de certains pays africains, on réalise que le Niger est un des seuls pays où les besoins non satisfaits de planification familiale étaient inférieurs à la moyenne constatée pour l’Afrique (22,2%).

Graphique 1 : Comparaison des besoins non satisfaits de planification familiale au Niger avec ceux de certains pays africains (%)



Source : World Contraceptive Use, 2015


En définitive, ce serait un presque un euphémisme d’évoquer le concept de besoins non satisfaits dans le contexte spécifique de planification familiale au Niger. En effet, si implacable qu’elle soit, l’insignifiance des besoins non satisfaits de planifications familiale est une vérité qui peut nous aider à mieux comprendre pourquoi la planification familiale n’a pas permis de réduire la forte fécondité.

 

3.  L’efficacité de la planification familiale au Niger 

 

Quatrième mythe : la planification familiale a eu un impact sur la prévalence contraceptive 

L’utilisation de la contraception, plus précisément les méthodes modernes, est un des facteurs majeurs de réduction de la fécondité (Nations Unies, 2012). Selon la définition de la Banque Mondiale, le taux de prévalence contraceptive désigne « le pourcentage de femmes qui utilisent ou dont les partenaires sexuels utilisent toute forme de contraception. Ce taux est généralement mesuré seulement chez les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans ». La relation inverse[7] entre la prévalence contraceptive et les besoins non satisfaits de planification familiale serait particulièrement élevée lorsque le taux d’utilisation des contraceptifs est supérieur ou égal à 40% (Nations, Unies, 2012). Environ 14% des femmes nigériennes mariées utilisent une méthode de contraception quelconque, la majorité d’entre elles (12%) utilisent une méthode moderne ; un niveau jugé « pas très élevé» dans le rapport de l’enquête démographique la plus récente (Institut National de la Statistique, 2012).

Selon les projections du World Contraceptive Use, le taux de prévalence contraceptive serait environ de 16% en 2015, soit un niveau inférieur au seuil de 40%, à partir duquel les besoins non satisfaits de planification familiale peuvent réellement stimuler la prévalence contraceptive. Le graphique 2 ci-dessous confirme l’évolution lente de la prévalence contraceptive au Niger. Cela est d’autant plus remarquable quand on la compare avec la tendance observée en Afrique de l’Ouest. En effet, la différence entre la prévalence contraceptive au Niger et celle de la région ouest-africaine semble même s’être accentuée au fil des ans.

Graphique 2 : Evolution de la prévalence contraceptive au Niger, en Afrique de l’Ouest et dans les pays les moins développés au cours de la période (1970-2015)


 Source : World Contraceptive Use 2015, estimations et projections

 

Par ailleurs, Gribble (2012) démontre bien l’impact que le niveau relativement faible des besoins non satisfaits de planification familiale au Niger a eu sur l’utilisation de la contraception. L'auteur affirme en effet que « des niveaux faibles de besoins de planification familiale non satisfaits peuvent aussi refléter un désir pour des familles plus nombreuses, ce qui emmène les femmes à avoir peu d’intérêt dans l’espacement ou la limitation des naissances. Au Niger, des normes traditionnelles pour des grandes familles conduit à une faible utilisation des méthodes modernes de contraception, ainsi qu’à une faible proportion de besoins non satisfaits parce que les femmes nigériennes ont en moyenne un idéal de plus de 9 enfants par famille ».

Finalement, l’évolution actuelle du taux d’utilisation des contraceptifs modernes serait insuffisante pour atteindre les objectifs de maîtrise de la croissance démographique en 2050 : à l’allure actuelle, la forte croissance démographique au Niger risque de persister jusqu’en 2100 voire au-delà (Nations Unies, 2002). Pour Potts et ses collaborateurs (2011), la tendance observée dans l’évolution du taux d’utilisation des contraceptifs au Niger ne pourrait pas permettre de réduire le niveau de fécondité de 7,6 à 3,8 à l’horizon 2050, hypothèse sur laquelle sont basées les projections des Nations Unies. Pour qu’une telle diminution puisse être envisageable, il faudrait pratiquement que le nombre d’utilisateurs de services de planification familiale soit multiplié par 10, avec un taux d’utilisation de contraceptifs modernes qui passerait de 12% actuellement à 55% en 2050.

Cinquième mythe : les programmes de planification familiale mis en œuvre depuis lors ont eu un impact sur la réduction de la fécondité

Au Niger, à l’instar d’autres pays d’Afrique subsaharienne, la satisfaction de la demande de planification familiale a moins d’impact sur la réduction de la fécondité (Casterline et El-Zeini, 2014) car les femmes utilisent la contraception pour espacer les naissances et non pas pour les limiter (Moultrie et al, 2012 ; Romaniuk, 2011). Aussi, pour le moment, l’efficacité de la planification familiale sur la réduction de la fécondité au Niger serait plutôt un mythe dans la mesure où le constat est là : les taux de fécondité au Niger sont restés à des niveaux élevés malgré tous les investissements effectués jusqu’à maintenant en faveur de la planification familiale.

Une grande partie des analyses au sein de la littérature sur la planification familiale semble converger implicitement vers une même conclusion : étant donné le contexte très traditionaliste du Niger, la politique actuelle ne peut pas susciter une augmentation de l’utilisation des contraceptifs qui soit suffisante pour avoir un impact significatif sur la réduction de la fécondité au Niger (Potts et al, 2011). Vu ces perspectives sans équivoque, des changements stratégiques visant à stimuler davantage la demande de planification familiale ne pourraient-ils pas favoriser une évolution significative de l’utilisation des contraceptifs, avec pour corollaire une réduction de la fécondité à plus ou moins long terme ?

 

4.   Des nouvelles perspectives pour la planification familiale au Niger 

 

Le maintien de la planification familiale comme politique publique pour maîtriser la croissance démographique ?

Depuis 1984, les autorités nigériennes ont opté pour la planification familiale comme politique publique en vue de réduire la fécondité. Dans le Plan de Développement Economique et Social (PDES 2012-2015), l’objectif de réduction de la fécondité est clairement identifié pour l’axe d’intervention qui vise la maîtrise de la croissance démographique : « Le niveau actuel du taux de croissance moyen annuel de la population (3,3%) constitue une contrainte importante à l’aboutissement des efforts de développement pour les années à venir. Une politique visant à maîtriser la croissance démographique s’inscrivant dans le cadre des orientations de la Déclaration du gouvernement en matière de politique de population (DGPP) adoptée en 2007 est donc essentielle ». (PDES), p 126.

Etant donné qu’au Niger, les taux de fécondité conservent toujours un niveau élevé, on ne saurait probablement éviter des questionnements sur l’efficacité d’une politique publique fondée sur la planification familiale en vue d’une limitation de la fécondité. Et ce, d’autant plus que les programmes de planification familiale ont toujours été l’objet de nombreuses controverses, plus précisément, en ce qui concerne leur efficacité réelle sur la réduction de la fécondité. Dans un ouvrage sur l’évolution des programmes de planification familiale dans les pays en développement, Seltzer (2002) a passé en revue toutes les questions sur la planification familiale qui ont fait l’objet de polémiques.

Ainsi, elle a recensé notamment les critiques de certains spécialistes des sciences sociales qui présument que la planification familiale serait une approche trop circonscrite pour adresser la problématique de la forte croissance démographique. Ces derniers doutent même de l’existence d’une demande suffisante au sein des familles pour le contrôle de la fécondité dans les pays en développement. Pour Donaldson, cité par Seltzer (2002), la planification familiale seule serait insuffisante pour aider à résoudre « l’opposition entre les objectifs de fécondité des couples au niveau individuel et les objectifs démographiques d’une société ».

Ces spécialistes des sciences sociales concèdent néanmoins des politiques de fécondité qui dépasseraient le cadre de la planification familiale classique, car celles-ci favoriseraient plutôt un changement économique et social. De telles politiques qui permettraient une augmentation de l’âge du mariage et l’amélioration de l’accès à l’éducation universelle pourraient être plus efficaces pour une réduction de la fécondité. 

En réponse à toutes ces critiques, Seltzer (2002) a conclu qu’elles n’étaient pas fondées. Selon elle, les recherches empiriques sur les programmes de planification familiale dans le monde ont prouvé que la planification familiale aurait un effet sur la réduction de la fécondité. Bongaarts et Sinding (2010) souscrivent aussi à la même conclusion. Ils ont ainsi présenté l’expérience réussie du Bangladesh, un pays traditionaliste, « où pendant 20 ans, la planification familiale a permis de baisser la fécondité de plus de six enfants par femme à presque trois tandis que la pratique contraceptive passait durant la même période de moins de 10% parmi les femmes mariées à plus de 50% ».

Par contre, dans le contexte africain, les résultats paraissent plus nuancés selon les régions concernées. Ngueyap (2000) décrit «  un continent à plusieurs visages » où parmi les quatre profils qui s’y dessinent, l’Afrique de l’Ouest, se distingue par une faible pratique contraceptive et des niveaux élevés de fécondité. Cleland et ses collaborateurs (2011) confirment aussi cette singularité de l’Afrique de l’Ouest, « une région où l’attitude de résistance reste une barrière, une région où l’accès aux contraceptifs bien qu’en progrès demeure néanmoins toujours terriblement limité, une région, où les progrès en termes d’utilisation de la contraception  ont été relativement lents avec une croissance annuelle moyenne de 0,6% ». Tout en reconnaissant aussi l’hétérogénéité entre les pays africains en termes de pratiques contraceptives, Khalfaoui et Modjo (2011) soutiennent la thèse de l’efficacité de la planification familiale en Afrique Subsaharienne. Dans une étude comparative portant sur cinq pays représentatifs des différentes régions du continent, ils tirent une conclusion sans ambiguïté : « plus dans un pays, on aura des femmes qui utilisent des méthodes contraceptives modernes, plus faible sera le niveau de fécondité des femmes dans ce pays ».

A priori donc, le Niger devrait continuer à utiliser la planification familiale comme politique publique de maitrise de la croissance démographique à condition d’entreprendre des réformes pour améliorer son efficacité.

Vers une réorientation de la politique de planification familiale avec une répartition plus équilibrée des investissements ?  

Selon Pierre Ngom (1999), dans un article critique sur les programmes de planification familiale en Afrique, la planification familiale a un double objectif : la stimulation et la satisfaction de la demande des couples à réguler leur fécondité. L’arbitrage stratégique pour la répartition des investissements entre l’offre et la demande devrait se faire en tenant compte du contexte spécifique de chaque pays

Au Niger, la priorité stratégique de la planification familiale semble être l’amélioration de l’offre de services. Le signe le plus patent de la priorisation de l’offre est la répartition déséquilibrée du budget du plan d’actions (2012-2020) de la planification familiale : 84% du budget pour l’amélioration de l’offre et à peine 16% pour les interventions visant à stimuler la demande de planification familiale. Un tel déséquilibre est-justifié ?

Il est vrai qu’aux débuts de la planification familiale dans les pays en développement, l’offre de services de contraceptifs était la préoccupation majeure (Seltzer, 2002). En effet, comme expliqué par Bertrand et al (1995), pendant des années, le problème d’accès aux services était considéré comme le facteur majeur de blocage à l’utilisation des contraceptifs dans les pays en développement. C’est pourquoi, les programmes de planification familiale étaient davantage orientés vers l’amélioration de l’offre de services ; un meilleur accès étant supposé être la panacée au problème d’utilisation des contraceptifs.

Toutefois, dans le contexte spécifique du Niger, où la faiblesse de la demande de planification familiale est objectivement démontrable, où l’atonie de cette demande est un frein à l’amélioration des pratiques contraceptives ; l’offre de services de planification familiale devrait-elle réellement continuer d’être la priorité ? Une telle question mérite d’autant d’être posée que l’orientation actuelle de la planification familiale au Niger est loin d’avoir donné les fruits escomptés comme en témoigne le niveau élevé de la fécondité.

Qui plus est, comme l’ont déduit Potts et ses collaborateurs (2011), la mesure de la gratuité des contraceptifs en vigueur depuis 2002, ne semble pas avoir eu une incidence sur le niveau de la prévalence contraceptive. Cela ne fait que confirmer on ne peut plus, la spécificité de la planification familiale au Niger, un des seuls pays au monde où l’accès n’est pas l’entrave majeure à l’utilisation des contraceptifs, un pays où au contraire, c’est la faiblesse de la demande qui est l’obstacle véritable qui devrait être surmonté.

Toutefois, cela ne saurait se faire sans une augmentation effective du budget de la planification familiale alloué à la demande. Nonobstant les contraintes éventuelles, il n’en demeure pas moins que les résultats obtenus jusqu’à présent par la planification familiale militent en faveur d’une telle augmentation.

Dès lors, même si l’offre continuera d’être une contrainte au Niger, à cause de la faiblesse de l’infrastructure sanitaire, même si les investissements pour accroitre l’offre de services doivent continuer ; la faiblesse de la demande de planification familiale au Niger est telle que le déséquilibre actuel dans la répartition des investissements entre l’offre et la demande ne saurait être justifié. Une réorientation de la politique nationale de planification familiale s’impose, si l’on veut améliorer réellement son efficacité. 

Par ailleurs, au Niger, la maîtrise de la croissance démographique repose principalement sur la politique nationale de planification familiale, politique mise en œuvre par le gouvernement avec l’appui de partenaires techniques et financiers comme le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) ainsi que des ONG internationales et nationales. Une telle approche devrait-elle être maintenue étant donné les effets limités de la planification familiale sur la réduction de la fécondité ? Des mesures incitatives complémentaires à une réduction de la fécondité, adaptées au contexte du pays ne seraient-elles pas pertinentes à l’avenir?

Vers des mesures incitatives complémentaires en faveur d’une réduction de la fécondité ?

Au Niger, environ trois quart[8] de l’ensemble des femmes nigériennes mariées vivent en milieu rural, celles-ci se trouvent être également celles qui utilisent aussi le moins les méthodes contraceptives : « en milieu rural, seulement 10% des femmes mariées utilisent des méthodes contraceptives »[9]. Dans ces conditions, des mesures incitatives complémentaires qui viseraient prioritairement ce groupe stratégique pour la planification familiale, ne seraient-elles pas nécessaires ?

Cependant, au Niger, étant donné le rôle déterminant joué par les maris dans la décision des femmes d’utiliser la contraception, la réussite de toute mesure incitative potentielle serait probablement liée à l’efficacité des actions de sensibilisation à l’endroit des maris au niveau communautaire. Le concept novateur de lEcole des Maris (EdM), crée depuis 2007 au Niger, par le FNUAP en collaboration avec le Ministère de la Santé, revêt ici tout son sens. En effet, ce concept tire son fondement d’une hypothèse majeure sur la planification familiale au Niger : l’acceptation de la planification familiale par les hommes faciliterait l’adoption des pratiques contraceptives par les femmes. En effet, l’Ecole des Maris est un espace régulier de réflexions, de discussions et de prise de décision au niveau communautaire, au sein duquel, à travers des réunions organisées deux fois par mois, un superviseur encadré par une ONG locale, s’évertue à sensibiliser un groupe de 8 à 12 hommes sur l’importance des pratiques de planification familiale et celles de la santé de la reproduction en général.

L’expérience est un succès au point où aujourd’hui, elle a été répliquée non seulement dans toutes[10] les régions, mais aussi en dehors[11] des frontières du Niger. Les études menées dans les deux districts pionniers de Matameye et Magaria dans la région de Zinder semblent avoir été concluantes. En effet, deux résultats majeurs auraient été observés : d’une part, un changement d’attitude des maris vis-à-vis de la planification familiale, et d’autre part, une amélioration de la fréquentation des services de planification familiale par les femmes dans les localités où les onze premières écoles expérimentales ont été ouvertes : la fréquentation des services de planning familial y aurait triplé[12] (UNFPA, 2015). Il va s’en dire que la poursuite de la généralisation des Ecoles des Maris au Niger, ne pourrait que maximiser l’efficacité de toute mesure incitative potentielle à l’endroit de la majorité des femmes nigériennes mariées qui ne fréquentent toujours par les services de planification familiale dans les zones rurales.

Par ailleurs, étant donné limportance des croyances subjectives dans le changement dattitude vis-à-vis de la planification familiale au Niger (Mayaki, 2008), lefficacité éventuelle de toute mesure incitative potentielle, dépendrait probablement aussi de l’ampleur des actions de communication pour un changement de comportement comme le marketing social. En effet, dans le contexte du Niger, en théorie, la primauté du marketing social semble inéluctable, le marketing social étant un outil de gestion du changement social visant à accroître l’acceptabilité d’une idée ou d’une action auprès d’un groupe cible (Kotler et Roberto, 1989).

Toutefois, c’est plutôt une minimisation du marketing social dans la politique de planification familiale qui aurait été privilégiée  dans les faits : à peine 8% du budget du plan d’actions (2012-2020) de la planification familiale a été alloué à des activités de marketing social. Au vu de cette réalité sans ambages, à moins d’une réforme promouvant le marketing social, un essor de la planification familiale au Niger paraît utopique. A priori, le marketing social semble être l’outil le mieux approprié pour lutter contre les préjugés vis-à-vis de la planification familiale. C’est pourquoi, « le combat des rumeurs développées autour de la planification familiale », l’axe stratégique de la politique de planification familiale comprenant les activités de marketing social, devrait à priori recevoir une attention primordiale à l’avenir. Une réforme de cette envergure ne pourrait-elle pas finalement donner une impulsion aux changements sociaux indispensables pour un essor de la planification familiale au Niger ? Cependant, un tel essor saurait-il être envisageable en l’absence d’une mise en cohérence préalable des politiques sectorielles avec la politique nationale de planification familiale?

Vers une meilleure synergie entre la politique nationale de planification familiale et les autres politiques sectorielles ?

D’après Simmons (1987), l’environnement général dans lequel les programmes de planification familiale sont mis en œuvre, est déterminant : plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur leur efficacité. Des recherches [13]ont démontré que la scolarisation des filles est un des facteurs qui aurait un impact significatif sur l’utilisation de la contraception et la réduction de la fécondité. Dans le contexte spécifique du Niger, la scolarisation constitue également un facteur différentiel dans l’utilisation de la contraception : chez les femmes nigériennes mariées ayant au moins un niveau d’instruction secondaire ou plus, 30 % utilisent une méthode moderne de contraception, contre 18 % chez celles ayant un niveau primaire et 10 % chez celles n’ayant aucun niveau d’instruction (Institut National de la Statistique, 2012).

C’est pourquoi, il serait tout à fait propice d’améliorer la cohérence entre une politique sectorielle[14] comme celle de l’éducation et la politique nationale de planification familiale. Or, jusqu’à cette date, cette mise en cohérence n’est pas effective. Dans le nouveau document de stratégie pour le secteur de l’éducation et de la formation (PSEF[15]2014-2024), la maîtrise de la croissance démographique a été seulement identifiée comme une contrainte majeure. Une dissonance entre un constat du PSEF et la finalité intrinsèque de la planification familiale au Niger y est même décelable : « rien ne permet d’entrevoir un allègement de la pression démographique » (PSEF, 2013, p 11). Une pareille assertion dans un document de politique sectorielle, si fondée soit-elle, n’annihile-t-elle pas de facto toute efficacité à la politique nationale de planification familiale, voire ne remet-elle pas en cause finalement la pertinence du choix de la planification familiale, comme politique publique pour une maîtrise de la croissance démographique au Niger ?

 

En 2050, le Niger deviendrait le second pays le plus peuplé d’Afrique de l’Ouest avec une population de 58,2 millions d’habitants selon les projections de « Population Reference Bureau ». Une maîtrise de la croissance démographique à long terme semble hors de portée : le niveau actuel d’utilisation de contraceptifs est si dérisoire que les objectifs de réduction de la fécondité fixés par la politique nationale de planification familiale paraissent irréalisables.

Quoiqu’il en soit, l’efficacité restreinte de la politique actuelle est une réalité irréfutable qui ne devrait pas être oblitérée par les pouvoirs publics. Ils ont là l’opportunité idéale de démontrer leur engagement véritable pour la maîtrise de la croissance démographique : en décidant d’initier les discussions sur les changements nécessaires en vue de maximiser l’efficacité de la planification familiale sur la réduction de la fécondité, et ce dans le cadre d’une approche consensuelle avec toutes les parties prenantes.

Aujourd’hui, plus que jamais, le Niger se trouve à la croisée des chemins dans sa lutte pour une maîtrise de la croissance démographique. Des tergiversations sont inutiles, car c’est le moment de faire un choix décisif entre deux voies distinctes :

·         soit la voie du déni de la réalité, celle qui privilégierait un statu quo dans l’orientation de la politique nationale de planification familiale en persistant à faire semblant qu’elle fonctionne efficacement et en poursuivant des investissements dans des programmes de développement ambitieux tout en maintenant un environnement défavorable aux objectifs de réduction de la fécondité;

·         soit, la voie de l’acceptation de la réalité, celle qui privilégierait plutôt une réorientation de la politique actuelle à travers une meilleure répartition des investissements entre la demande et l’offre de services de planification familiale.

En optant pour la seconde alternative, en amorçant dès à présent les changements stratégiques qui s’imposent, les pouvoirs publics ne donneraient-ils pas ainsi une chance ultime au Niger de gagner le pari de la maîtrise de la croissance démographique d’ici 2050 et ce malgré le pessimisme de toutes les projections actuelles ?

 

Sources:

·         Alkema Léontine, Vladimira Kantorova, Clare Menozzi et Ann Biddlecom, « National, regional and global rates and trends in contraceptive prevalence and unmet need for family planning between 1990 and 2015: a systematic and comprehensive analysis », Lancet, Vol. 381, May 11, 2013.

·         Barrère Monique, Idrissa Alichina Kourguéni et Sabine Attama, « Fécondité, planification familiale et santé de la mère et de l’enfant au Niger, Situation régionale », Care International & Demographic and Health Surveys, Macro International Inc, 1999.

·         Bongaarts John et Steve Sinding« Réponse aux critiques des programmes de planification familiale », Perspectives Internationales sur la Santé Sexuelle et Génésique, Numéro spécial, 2010.

·         Casterline, John et El-Zeini Laila, « Unmet needs and fertility decline: A comparative perspective on prospects in sub-Saharan Africa», Studies in Family Planning, Vol. 45, No.2, pp. 227-245, 2014.

·         Cleland John, Ndugwa Robert et Zulu Eliya, « Family Planning in Sub-Saharan Africa: progress or stagnation? », Bulletin of the World Health Organization, Vol. 89, No.2, pp. 137-143, 2011.

·         FNUAP, Représentation au Niger, « Cinquième Programme Pays », Niamey, 2013.

·         Gribble Jay, « La planification familiale en Afrique de l’Ouest », Population Reference Bureau, 2008.

·         Gribble Jay, « Factsheet: Unmet Need for Family Planning », Population Reference Bureau, 2012.

·         Khalfaoui Abdelaziz et Waka Modjo Roger, «  La contraception en Afrique subsaharienne : Etude comparative des niveaux, de l’évolution et de l’influence sur la fécondité », 2011.

·         Kotler Philipp et Eduardo Roberto, « Social marketing », New York, Free Press, 1989.

·         Potts Malcom, Virginia Gidi, Martha Campbell et Sarah Zureick, « Niger: Too Little, Too Late», International Perspectives on Sexual and Reproductive Health, Vol. 37, No. 2, pp. 95-101, June 2011.

·         Mayaki Moussa Fatchima, « Effet des croyances, des normes et des valeurs sur le changement d’attitude : exemple de la planification familiale au Niger », thèse de doctorat en psychologie sociale expérimentale, sous la direction de Dongo Rémi Kouabenan, Université de Grenoble 2, 2008.

·         Moultrie Tom, Takudzwa Sayi et Ian Timaeus, « Birth intervals, postponement, and fertility decline in Africa: A new type of transition? », Population Studies, Vol.66, No.3, pp. 241-258, 2012.

·         Nations Unies, Niger, « Projections Démographiques des Nations Unies », Révision de 2002, New York, 2002.

·         Ngueyap Ferdinand, « Pratique contraceptive en Afrique Subsaharienne, Niveaux, tendances et déterminants », 2000. 

·         Romaniuk Anatole, « Persistence of high fertility in Tropical Africa : The case of the Democratic Republic of the Congo », Population and Development Review, Vol. 37, No.1, pp.1-28, 2011.

·         République du Niger, Institut National de la Statistique (INS) et ICF International, « Enquête Démographique de Santé et à Indicateurs Multiples du Niger », Rapport préliminaire, Calverton, Maryland, Décembre 2012. 

·         République du Niger, « Programme de Développement Economique et Social (PDES) (2012-2015) ».

·         République du Niger, « Programme Sectoriel de l’Education et de la Formation, (PSEF), (2014-2024), Document de stratégie, Juin 2013.

·         République du Niger, Ministère de la Santé Publique, Direction générale de la santé de la reproduction, « Planification familiale au Niger, Plan d’action (2012-2020) », Juin 2012.

·          Seltzer, Judith R, « The origins and evolution of Family Planning Programs in Developing Countries », Population Matters, a Rand Program of Policy Relevant Research Communication, Library of Congress, 2002.

·         The Economist, « Birth Control in Niger, Population explosion, Runaway birth rates are a disaster », August 2014.

·         United Nations, World Fertility Report 2012 &World Fertility Report 2013.



[1] Traduction libre.

[2] L'indice synthétique de fécondité est obtenu par l’addition du nombre moyen de naissances par femme dans toutes les années définies comme fécondes, soit entre 15 et 50 ans.

 

[3]Fonds Africain de Développement (2000), «  Politique en matière de population et stratégie de mise en œuvre ».

[4]«  C’est aujourd’hui qu’il faille se poser la question comment concilier croissance démographique et croissance économique, en tenant compte bien entendu des prescriptions sacro-saintes de l’Islam et des valeurs traditionnelles dont nous sommes héritiers ? Comment libérer notre société des pesanteurs socio-éducatives, du fatalisme, de l’absentéisme et des fuites de responsabilités ? » Extrait du discours prononcé par le Président Seyni Kountché.

[5] Le budget du projet est d’environ 52 milliards de FCFA, soit 103 millions de dollars US.

[6] C’est une base de données sur la planification familiale, produite par la Division Population du Département Affaires économiques et sociales des Nations Unies, qui est disponible à l’adresse : http://www.un.org/en/development/desa/population/theme/family-planning/cp_model.shtml

[7]Les résultats de la recherche d’Alkerna et Al (2013) à partir des données de 194 pays révèlent qu’au niveau mondial, durant la période 1990-2015, les besoins non satisfaits de planification familiale ont baissé tandis que la prévalence contraceptive a augmenté.

[8]Institut National de la Statistique, Annuaire statistique du Niger (2007-2011). Structure de la population.

[9]Selon les résultats de l’enquête démographique de 2012, 27% des femmes mariées qui vivent en milieu urbain utilisent une méthode contraceptive moderne tandis qu’en milieu rural, contre 10% des femmes mariées y ont recours.

[10] Au vu de ce succès, l’expérience a été étendue depuis lors au-delà de la région de Zinder, environ 610 écoles des maris sont recensées à l’échelle nationale (FNUAP, 2015).

[11] Sénégal, Sierra Léone, Gambie, Guinée, Burkina Faso, Mauritanie et Côte d’ivoire.

[13]« L’investissement dans l’instruction des filles est essentielle pour réduire le nombre d’enfants par famille et faire baisser la fécondité comme en témoignent les mariages et les premières grossesses différées grâce à l’éducation ». Union Africaine (2013), Note d’orientation : La planification familiale et le dividende démographique en Afrique. 

[14]Nous avons pris ici l’exemple spécifique de la politique du secteur de l’éducation, mais il va s’en dire que la mise en cohérence est indispensable avec  toutes les autres politiques sectorielles : santé, sécurité alimentaire.

[15]PSEF : Programme  Sectorielle de l’Education et de la Formation.

Commentaires

Un intellectuel n'est pas

Un intellectuel n'est pas celui qui repete les reflexions qu'il a entendu ou qu'on lui impose. Un intellectuel reflechit lui même avec son propre cerveau. Son propre paradigme.

Méditons ceci : « La

Méditons ceci : « La démographie sert de baromètre à la nation. Quand la fécondité diminue, on craint le déclin, voire la disparition… »  Extrait du livre La Démographie de Hervé Le Bras, Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales de France et directeur de recherche à l’Institut national français d’études démographiques.

La planification familiale au Niger.

L'article de Mme Balkiassa Brah m'a interpellé a plus d'un titre. Etant moi-même une femme je plains mes soeurs nigériennes qui au XXIe siècle n'ont pas encore pris conscience qu'élever un enfant est une grande responsabilité des parents en premier lieu puis de la société en second lieu. Elevé correctement un enfant au Niger réprésente un defi majeur si on considère que notre pays est le dernier du monde et qu'à ce titre la population pauvre est majoritaire. Je pense qu'il y'a un problème de communication entre les ONGs Internationales qui interviennent dans le domaine de la planifications et la population concernnée. Elles doivent procéder au changement de mentalité à la base et faire accepter aux femmes surtout rurales ou illétrées l'importance de la planification qui va améliorer leur vie et celle de la famille toute entire.

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