Travailler et payer ses impôts pour développer le Niger

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Pour le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le développement humain se mesure principalement sur trois (3) dimensions : Santé, Education, Niveau de vie.  Le Niger d’aujourd’hui est incontestablement un pays très en retard sur ces dimensions qui sont certes très importantes mais qui ne sont pas suffisantes pour évaluer véritablement le bien être des populations. En effet, les relations sociales, la culture et les croyances ont un rôle déterminant dans la manière dont les personnes conçoivent et organisent leur vie.Que pensent les populations nigériennes de leur niveau de développement humain ? Comment assurer au maximum de Nigériens le développement tel qu’ils le conçoivent ; c’est-à-dire, en adéquation avec leurs culture et croyances ? C’est à ces questions que nous allons essayer de répondre dans cet article.

A chaque publication du classement des pays par Indice de Développement Humain (IDH), les Nigériens réfutent ce classement et remettent en cause le bien fondé même d’un tel indice. Les Nigériens refusent de croire que leur pays soit le dernier au monde et pensent vivre beaucoup mieux que ce que reflète l’IDH. Les contestations concernent surtout la dimension Niveau de Vie de l’IDH. En effet, pour les dimensions Santé et Education, il est difficile de contester les chiffres officiels. Cependant, pour le Niveau de vie, la prépondérance de l’informel dans l’activité économique du Niger empêche d’avoir toute statistique fiable sur la richesse réelle du pays et surtout sur le niveau de vie des populations. Une grande partie de la population nigérienne, considérée officiellement comme inactive, exerce diverses activités informelles lui procurant des revenus substantiels, souvent supérieurs aux revenus des travailleurs « officiels ». Ces personnes échappent complètement au système fiscal et dans certains cas au système bancaire car la plupart des transactions se font en cash.

Par ailleurs, même les personnes n’ayant aucune activité formelle ou informelle, bénéficient de la solidarité de leurs familles et amis. Elles arrivent la plupart du temps à se loger et à se nourrir. Au Niger, les prestations sociales telles qu’elles existent en Europe et d’autres pays développés, sont assurées par les populations elles mêmes. Cette charge qui pèse sur les personnes actives les pousse à dépenser plus  que ce qu’elles gagnent  légalement. Par conséquent, certains  trouvent des moyens illégaux de se procurer des revenus supplémentaires: la surfacturation et les fausses factures, l’évasion fiscale, la corruption, les détournements de fonds, l’escroquerie etc. Le jour où l’Etat nigérien réussira à moderniser son économie en formalisant les secteurs encore informels, à faire en sorte qu’aucune activité économique n’échappe aux systèmes fiscal et bancaire. Ce jour où l’Etat aura les moyens d’assumer son rôle de garant de la solidarité envers les plus démunis. Tous les projets de développement seront en ce moment envisageables. Pour y parvenir, l’Etat doit moderniser le marché du travail et lutter contre l’évasion fiscale.   

      1. La modernisation du marché du travail

1.1.  Code du travail

Pour valoriser le travail et protéger le travailleur et son employeur, il est nécessaire de rendre obligatoire le contrat de travail pour toute prestation de service même d’une journée. Le code du travail doit être modifié et complété de manière à répondre à la diversité des besoins de main d’œuvre. Ainsi, le Code du travail pourrait retenir quatre types de contrats de travail, définis comme suit :

1.2.1        Le contrat journalier

Ce contrat dont la durée est d’une journée, ne peut être renouvelé plus de 4 fois dans le mois. Ainsi, il permet de faire travailler une personne 1 à 5 jours dans le mois. La rémunération d’un tel travail se fait exclusivement par chèque, à la fin de la journée de travail. Le travailleur doit garder une copie de ce chèque et une copie de son contrat journalier pour les faire valoir dans le calcul des ses droits au chômage. Le salarié signataire de ce type de contrat est obligé d’effectuer la journée de travail. Il ne peut y renoncer.

1.2.2        Le contrat intérimaire

D’une durée comprise entre 5 jours et 3 mois, le contrat intérimaire ne peut être renouvelé plus de 3 fois dans l’année. Ce type de travail peut être rémunéré par chèque ou par virement bancaire à la fin du contrat si celui-ci est inférieur à 1 mois ou à la fin de chaque mois dans le cas échéant. La période d’essaie non renouvelable ainsi que la période de préavis de démission de ce type de contrat est de 3 jours.

1.2.3        Le contrat à durée déterminée

Il doit être d’une durée minimale de 3 mois et d’une durée maximale de 2 ans. Ce type de contrat ne peut être renouvelé plus de 2 fois pour la même personne et pour le même poste. La période d’essaie non renouvelable et la période de préavis de démission d’un tel contrat est d’1 mois.

1.2.4        Le contrat à durée indéterminée

Ce type de contrat rentre dans le cadre d’une coopération à long terme entre l’employeur et le travailleur. La durée du contrat est indéterminée et la période d’essai non renouvelable est de 2 mois. La période de préavis de démission est comprise entre 1 et 3 mois en fonction de l’ancienneté de salarié : 1 mois si le salarié a une ancienneté inférieure ou égale à 1 an, 2 mois si elle est inférieure ou égale à 2 ans et 3 mois au-delà de 2 ans d’ancienneté.

2. La lutte contre l’évasion fiscale

Parmi les nombreuses composantes de l’arsenal fiscal en vigueur au Niger, seule une petite partie est effectivement et efficacement recouvrée par l’Etat. En effet, seul l’impôt sur le revenu des salariés, actuellement prélevé à la source, est bien perçu par la Direction Générale des Impôts. La perception des autres impôts et taxes (impôt sur les sociétés, taxe foncière, taxe d’habitation etc.…) n’est pas efficiente. Le mécanisme qui consiste à prélever un impôt à la source est intéressant et il doit être maintenu pour l’impôt sur le revenu des salariés. Mais tous les impôts ne sont pas percevables de cette manière. Par conséquent, l’Etat doit se donner les moyens de bien recouvrer les impôts et taxes payés en aval de l’activité économique.

Par ailleurs, il faut même rajouter au catalogue actuel de prélèvements, un nouvel impôt, qui ne peut être prélevé à source, que l’on pourra appeler « Impôt Social » équivalent à l’impôt sur la fortune prélevé dans les pays occidentaux. Nous verrons comment il doit être déterminé. Aussi, l’Etat et les collectivités doivent faire en sorte de rendre effective la perception des taxes foncières et d’habitation pour doter les collectivités de moyens financiers nécessaires pour l’assainissement de nos villes et la prestation de services sociaux. Mais avant tout, il faut moderniser notre système fiscal. Les autorités doivent mettre en place un système d’information pour tracer toute l’activité fiscale du pays.  

2.1  Mise en place d’un impôt social (Impôt sur l’épargne)

La mise en place d’un impôt social, qui formalisera la solidarité des plus nantis en direction des plus démunis, est indispensable pour assurer la justesse et l’effectivité de la solidarité nationale. Cet impôt sera fonction de la situation familiale des personnes et tiendra compte de l’organisation de la société nigérienne. Ainsi, sur le plan fiscal, le foyer sera composé du contribuable chef de famille (le mari lorsqu’il y en a), d’autant de contribuables que ce chef de famille possède de femmes et des enfants mineurs rattachés à la famille. Les veuves ou femmes divorcées prennent le statut de chef de famille jusqu’à leur remariage, au moment duquel, elles sont rattachées avec leurs enfants mineurs au nouveau mari. Les enfants majeurs hommes constituent chacun son propre foyer fiscal et devra déclarer ses revenus même nuls dès sa majorité.

Les femmes mineures ou majeures qui n’ont jamais été mariées restes rattachées au foyer fiscal parental jusqu’à leur mariage. Pour ce qui est du calcul de l’impôt social, la valeur augmentera lorsque le nombre d’épouse du chef de famille ou d’enfants rattachés au foyer fiscal augmente. Le but d’une telle logique est de responsabiliser les parents quant à la taille de leur foyer, le coût que représentent l’éducation et la santé de leurs enfants.

Par ailleurs, la base du calcul de l’impôt social est la somme des revenus des membres majeurs du foyer fiscal. Le taux d’imposition sera unique et égale à 2,5% des 33% des revenus annuels du foyer fiscal.

L’idée est de dire qu’un foyer dépense 67% de ses revenus et épargne les 33% restant. Ensuite, l’impôt social est calculé avec le même taux de 2,5% que la Zakat, qui représente l’impôt sur l’épargne pour les musulmans. Ainsi, ce nouvel impôt qui ne sera pas prélevé à la source, qui sera payable chaque année par virement bancaire ou chèque sera déterminé comme suit :

IS = 2,5% * Epargne Estimée

Epargne = 33% * Total Revenus Annuels Foyer Fiscal

=> IS = 2,5% * 33% * Total Revenus Annuels Foyer Fiscal

 IS = 0,825% * Total Revenus Annuels Foyer Fiscal

Si nous prenons l’exemple d’un foyer composé d’un mari, d’une femme et des enfants mineurs sans revenus, avec des parents gagant chacun 250 000 CFA , l’Impôt Social calculé comme suit :

Total Revenus Annuels Foyer Fiscal  = 12 * (250 000 + 250 000) = 6 000 000 CFA

Epargne Estimée = 33% * 6 000 000 = 1 980 000 CFA

IS = 2,5% * 1 980 000 = 49 500 CFA.

Ce nouvel impôt qui concerna les foyers ayant des revenus annuels supérieurs ou égaux à 6 000 000 CFA et dont le taux est inférieur à 1% des revenus, permettra à l’Etat nigérien d’offrir des prestations sociales aux plus démunis. Cet impôt, poussera par ailleurs les contribuables nigériens à exiger une bonne gestion de leurs contributions sociales.

2.2  Perception effective de la taxe foncière

La taxe foncière, payable chaque année, a plusieurs objectifs : taxer le patrimoine immobilier des résidants nigériens et combattre la filière immobiliaire du blanchiment d’argent. Cette taxe, qui sera fonction de la valeur estimée du bien, permettra de démasquer les propriétaires fictifs lors du recouvrement la taxe et hypothéquer les biens des propriétaires qui cumulent plusieurs années de taxes impayées. Par ailleurs, la réhabilitation de la taxe foncière pourrait dissuader les populations de spéculer dans l’immobilier.

2.3  Mise en place de la taxe d’habitation

La taxe d’habitation, établie et perçue par les mairies doit permettre, si elle est bien gérée, de moderniser les villes nigériennes et d’offrir un cadre de vie décent aux résidents, à travers les services municipaux qui seront supportés par cette source de revenue. Aussi, cette taxe permettra de recenser et contrôler la démographie de nos villes. En effet, payée par l’occupant du logement, la taxe sera calculée sur la base du nombre de personnes habitant dans le logement. La taxe augmentera avec le nombre d’adultes vivant dans le logement et diminuera avec le nombre de mineurs rattachés au foyer fiscal. Le payement de cette taxe sera une des conditions pour bénéficier des services municipaux à l’exception des écoles.

Conclusion

En modernisant le marché du travail nigérien et en contrôlant efficacement la perception des impôts et taxes, l’Etat et les collectivités territoriales réduiront significativement la partie informelle de l’économie nigérienne et augmenteront leurs recettes fiscales. Ces ressources financières supplémentaires permettront, si elles sont bien utilisées, de réaliser d’importants projets de développement. Les mairies pourront assainir nos villes et délivrer des services sociaux aux résidents, les régions pourront construire des routes pour désenclaver des villages, le gouvernement central pourra financer encore plus d’infrastructures hospitalières, scolaires etc.

En résumé, le développement du Niger doit principalement venir de la mobilisation des ressources internes et être porté par les collectivités territoriales qui sont plus proches des populations et connaissent les besoins et leurs priorités.  

 

 

 

 

 

 

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