Une alternative pour soutenir la créativité et l’insertion des jeunes diplômés

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Ces dernières années, le service civique, contrairement à ses objectifs de départ, est devenu un grand bourbier pour la fonction publique saturée et les jeunes diplômés sans perspective. La corruption gangrène l’institution et les jeunes diplômés affectés à des fonctions sans commune mesure avec leur formation perdent toute créativité, occupés par la survie. L’Etat gagnerait, au lieu d’un tel système sapant le moral des jeunes diplômés, à promouvoir et accompagner les jeunes diplômés porteurs de projets de création d’entreprise.

 

Mis en place pour permettre aux jeunes diplômés de servir pendant deux ans de manière bénévole leur pays en retour de la formation que ce dernier leur a assurée, le service civique est aussi censé offrir à ces jeunes fraîchement sortie de l’école une expérience valorisante pour la suite de leur carrière.

Or, depuis plus de deux décennies, cette institution est devenue un vrai placard poussiéreux où sont enfermés les espoirs, l’ardeur et les projets ambitieux des jeunes diplômés nigériens. Cette situation a débuté avec l’arrêt ou tout au moins l’intégration au compte goutte à la fonction publique nationale, laissant ainsi en proie au chômage une grande partie des vagues successives de jeunes diplômés.

Il faut noter que la fonction publique est le principal débouché de ces jeunes au vu de la faiblesse du secteur privé ou, pour appeler un chat ‘un chat’, du fait du caractère informel dans lequel se complait notre économie. Le service civique devient ainsi le seul rempart anti-chômage pour des jeunes qualifiés mais ne trouvant de place nulle part ailleurs.

On renouvelle de plus en plus le contrat une fois les deux premières années passées. On essaye des passe-droits pour passer outre le plafond de renouvellement prévu. La situation empira avec la saturation de la fonction publique. Les places deviennent rares et très demandées, faisant le lit de la corruption et d’un marché noir connu et accepté tacitement car censé profiter à tous. Certains agents en charge de l’étude des dossiers et de la répartition des candidats au service civique se remplissent les poches avec l’argent des candidats qui souhaitent être favorisés ou contourner les règles officielles. Au niveau des services d’accueil des jeunes ‘civicards’, certains agents exigent de l’argent pour fermer les yeux sur les absences. D’autres fixent carrément un pourcentage des indemnités des ‘civicards’ qui leur revient ‘de droit’.

Pour les jeunes diplômés, ils trouvent un rempart contre le chômage avec les indemnités qui leur permettent de tenir en attendant de trouver mieux. Mais, une bonne partie de ces jeunes sont affectés dans des services n’ayant pas grand-chose à voir avec leur formation ou leur niveau. Pour la plupart, des ingénieurs se retrouvent à enseigner au collège ou au lycée. D’autres se font prier de ne venir que pour toucher les indemnités, le service d’accueil n’ayant rien comme tâche à leur faire faire. Une partie conséquente, ayant compris le système, s’arrange dès le départ avec le service d’accueil pour ne même pas venir.

 

Cette situation dans laquelle semble se complaire tout le monde est une véritable bombe à retardement. Qu’apporte donc aujourd’hui le service civique à l’Etat et aux jeunes diplômés ? Que dale. Les connaissances engrangées par les jeunes diplômés ne sont pas mises à profit par l’Etat. Les civicards qui se retrouvent enfermés dans des métiers ne correspondant pas à leur formation, exercent à contrecœur particulièrement dans l’enseignement contribuant ainsi à la baisse des niveaux.

Bien que les indemnités qu’ils reçoivent semblent les calmer pour un temps, l’Etat va se retrouver avec sur les bras des diplômés aux connaissances devenues obsolètes, sans aucune expérience concrète et habitués à être payés pour ne rien faire…

Quant aux jeunes diplômés, sortis des écoles avec la tête pleine d’idées, de projets et d’ambition, ils se retrouvent en pleine désillusion, obligés d’enchaîner les petits boulots pour survivre entre deux indemnités de service civique. Terminé l’enthousiasme, finie la réflexion constructive, disparue la confiance et l’espoir d’un avenir radieux. Les connaissances deviennent obsolètes à force de ne rien faire qui cadre avec sa formation. Seule compte la survie, et l’affairisme prend le dessus sur le désir de construire le pays.

 

Cette description parait presque caricaturale mais elle reste extrêmement lucide. Pour aller vers une critique constructive, je pense qu’il est plus qu’urgent pour l’Etat nigérien de mettre en place un cadre qui stimule la créativité des jeunes diplômés et leur donne les opportunités pour réaliser leurs projets et leurs ambitions. Il ne s’agit pas là de supprimer le service civique. Il pourra toujours être le tremplin vers la fonction publique. Mais, il faut le désengorger, faire en sorte qu’il ne soit plus le seul recours possible pour les jeunes diplômés.

 

Ainsi, étant donné que la fonction publique ne peut absorber les vagues successives de jeunes diplômés et que le secteur privé n’est pas assez mature pour prendre le relais, l’Etat gagnerait à promouvoir la création d’entreprise par les jeunes diplômés. Pour ce faire, il doit mettre en place un certain nombre de mesures relativement aisées à prendre (pas d’effort surhumain qui le ferait réfléchir à deux fois). Tout d’abord, de même qu’il a mis en place le code d’investissement accordant des avantages faramineux aux étrangers désirant investir au Niger, il doit mettre en place un régime fiscal incitatif spécifique aux entreprises créées par les jeunes diplômés que nous désignerons Entreprises Jeunes Diplômés (EJD).

Ce régime fiscal doit promouvoir l’association de jeunes diplômés aux compétences complémentaires dans la mise en place et la gestion d’entreprises viables et économiquement stratégiques pour notre pays. A titre d’exemple, des exonérations fiscales et des subventions d’investissement et/ou d’équipement peuvent être accordées suivant le secteur de l’économie dans lequel va évoluer l’entreprise.

Outre ce régime fiscal spécifique, l’Etat doit promouvoir l’accès au financement pour les jeunes diplômés porteurs de projets. Il faut reconnaître à ce niveau que la création de la BRS (Banque Régionale de Solidarité) et de structures de garantie et d’appui au montage de dossier comme SAHFI (Société Sahélienne de Financement) est un pas en avant.

Néanmoins, l’accompagnement des jeunes diplômés dans la mise en place de leurs propres sociétés ne fait pas l’objet d’une politique gouvernementale précise et marquée. L’Etat gagnerait pourtant à mettre en place une structure dédiée à la promotion et à l’accompagnement des EJD. Elle les aidera dans le montage de dossier, les conseillera, les soutiendra dans l’accès au financement à l’aide de garanties et de co-financement auprès des banques.

 

Cependant, ce qui fait une entreprise ce sont les clients. Les jeunes diplômés n’ont encore ni les relations ni la confiance de partenaires prêts à leur remplir le carnet de commandes. L’Etat doit utiliser les marchés publics comme levier pour permettre aux EJD d’acquérir l’expérience et l’expertise à même d’attirer la clientèle. Par exemple 15 à 25% des marchés publics sur des secteurs jugés stratégiques peuvent leur être réservés. L’Etat doit créer un cadre de concertation entre les EJD et les grandes entreprises (grands commerçants y compris) en vue d’inciter ces dernières à soutenir les EJD en leur réservant une partie de leurs commandes, grâce à de la sous-traitance ou tout simplement en leur ouvrant leurs carnets d’adresse.

 

La mise en place d’un tel cadre créera une atmosphère d’émulation, de créativité et un dynamisme pas seulement chez les jeunes diplômés mais au sein de l’économie entière qui engagera ainsi son basculement vers le formel générant toujours plus de revenus à l’Etat.

 

En somme, le service civique, devenu le seul rempart anti-chômage pour les jeunes diplômés, s’est transformé en une machine qui asphyxie toute créativité confinant les jeunes diplômés dans la survie et l’affairisme. Pour lui redonner ses lettres de noblesse, l’Etat doit renverser cette situation qui fait du service civique la seule alternative. Un moyen puissant pour y arriver, ce sont les EJD.

 

Une telle politique permettra de soulager la fonction publique et de mettre fin au marché noir du service civique tout en ouvrant plus de perspectives pour les jeunes diplômés désormais engagés dans une réflexion et des activités constructives pour le pays tout entier.

Commentaires

Re:La réforme du service civique est nécessaire

Bonjour,

 

Nous vous remerçions pour ces propositions intéressantes.

 

Pourriez-vous nous dire pourquoi vous pensez qu'il est utile de coupler le service civique avec un passage par l'armée?

 

D'autre part nous aimerions bien faire un zoom sur le volontariat et ses connexions avec le service civique. Pensez vous pouvoir faire une proposition d'article dessus?

 

Cordialement, 

La réforme du service civique est nécessaire

Je m'explique, selon il s'avère très nécessaire de réformer ce système en faisant un retour vers un nouveau système de service civique:

1. le service de 6 mois au sein de l'armée nationale

2. Faire une service de 18 mois dans la fonction publique dans le domaine de compétence de la personne

Et enfin la suppression du volontariat après le service civique qui actuellement est obligatoire dans certaines cas. Mais tout ces deux propositions doivent se faire avec le respect de l'éthique. 

L'accompagnement après le service du civique pour intégrer la fonction ou vers le privé ou vers la création d'entreprise innovatrice.

Clin d'œil

Re:EJD

Bonjour Ramatou,

 

Nous sommes très contents de ta réaction. Car c'est bien là le reflexe que nous souhaitons trouver chez tous les abonnés à ce site. Pouvoir suivre en continue la réalité et la mise en oeuvre des idées qui émergent de ce site dans notre pays.

 

Nous chercherons à savoir plus sur ton info et de ton côté n'hésite pas à nous faire parvenir un article sur le sujet si tu as plus de détails.

 

Cordialement,  

EJD

Bonjour à tous,

 

J'ai entendu Le PM lors de la clôture du FIMA, annoncé la crétion d'un fonds dédié au jeunse entrepreneurs...

Si j'ai plus d'infos, je vous le ferais savoir ou si quelqu'un a des news, merci de les partager..

Vrai

ce que vous décrivez là est la pure vérité. des jeunes comme moi dont la tête bourdonne d'idées finissent par les mettre de côté et essayer de survivre.

ce qui est sur, cet article doit etre lu par les autorités Nigériennes afin que les choses puissent changer.

Ne sont nous pas dans République de la refondation?

on attend des actions concrètes en faveur des jeunes.

Merci pour votre initiative

Re: Fond "Création EJD"

Bonjour,

Merci pour cette information. Nous prenons note. Ce programme de l'ANPE sera traité dans le cadre de l'article 'L’entrepreneuriat des jeunes au Niger : situation et perspectives' qui constituera la troisième publication de la Rubrique 'Economie et Entrepreneuriat'. Cet article est attendu pour le mois de Novembre 2009.Vous pouvez suivre la planification de nos prochaines publications pour chaque rubrique en fin de la page de présentation. Notez que les publications sont mensuelles pour la rubrique ''Economie et Entrepreneuriat'.

 

Merci

 

Fond "création EJD"

Un programme pareil existe auprès de l'ANPE. Prière de nous renseigner d'avantage. J'espère bientôt voir une intervention sur ce programme. 

Et si on réformait le service civique ?

Des réformes radicales doivent être faites, votre constat est pertient! Par exemple, l'Etat peut/doit décider de créer un fonds "Création EJD" pour lequel les jeunes monteront des dossiers de candidatures. On peut faire 2 à 3 appels d'offres pas an, et les dossiers meilleurs sont sélectionnés pour financement. Ce serait un faux alibi de crier à l'absence de fonds: pourvu que l'Etat se porte garant auprès des jeunes pour les rissques, des banques mêmes étrangeres pourraient financer...

 

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