La diaspora nigérienne : les enjeux d’une population expatriée mais dotée

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 Le nouveau gouvernement s’installe avec dans ses offices un déluge d’interpellations (pour la plus part objectives) et de sages conseils. Il revient dans cette même dynamique à la diaspora de s’adresser à elle-même pour faire son propre inventaire et s’interroger sur ses maux et les choix à opérer. Car s’il est évident que les différents gouvernements n’avaient pas assez fait, il reste tout aussi évident que les disputes et autres supputations au sein de la diaspora tranchent avec les vœux sans cesse exprimés de voir se réaliser au Niger le développement tant rêvé.

Si on proposait par exemple que chaque Nigérien contribue pour doter tour à tour les régions d’hôpitaux modernes, l’idée, si puissante qu’elle soit, s’écraserait contre les méandres du soupçon qui s’interfère encore et toujours entre aspirations et réalisations, comme  si l’insécurité des biens communs est une fatalité dont aucune imagination ne peut venir à bout.

Aussi, les mêmes griefs faits aux politiciens se prolifèrent, quand bien même dans des dimensions réduites, au sein de la diaspora. Combien d’entre nous ne sont-ils pas parvenus ou ne souhaiteraient pas au cours d’un voyage, soustraire à l’aide d’un parent, ami, ou connaissance, un poste d’ordinateur à la vigilance douanière? Quelle morale est-on disposé à se faire, car quiconque a volé un morceau de viande, par prédisposition ou poussé par l’exploit, prendra un jour la carcasse entière?

Mais le parallèle alarmant du microcosme de la diaspora demeure cette fragmentation progressive du tissu communautaire. Il est devenu notamment fréquent aujourd’hui de voir des Nigériens, flattés par le succès académique ou la réussite professionnelle, se retrancher dans des postures somptueuses pour regarder avec dédain la communauté qu’ils qualifieraient de « non éduquée » ou « d’infréquentable », s’ils n’allaient tout simplement pas s’en écarter, prétextant : «non, non, non, j’ai peur des nigériens moi ! »

Pourtant, aussi évident que la réalité du succès tienne à l’effort personnel, il n’en demeure pas moins que le processus devant y aboutir lui, avait dû s’amorcer au dépens des « non éduqués » et autres membres de la société dont nos Etats, à cause des précarités de toute sorte, avaient failli offrir une éducation ou étaient obligés de reléguer aux oubliettes. A chaque nigérien, doit-on rappeler, sachant lire et écrire, durant le processus d’évolution de nos Etats, correspondent quatre autres au départ sacrifiés, par faute de bancs et d’écoles. Donc à priori, notre essor à chacun n’est pas le seul fait du mérite, mais celui surtout du privilège reçu qui appelle à plus d’humilité et au sens de l’urgence et de la responsabilité. Les frustrations et autres humiliations fréquemment prétextées ne peuvent pas légitimer la constitution de castes au sein d’une même famille. Ces réalités et tant d’autres encore doivent à notre tour nous interpeller.


En somme, plutôt que d’assener à longueur de journée, des jugements de valeur ou de livrer un tragi-débat qui, au mieux, ne s’apparente qu’à la recherche de bouc-émissaires et d’une justification morale à une attitude antagoniste et de retrait vis à vis d’un mécontentement généralisé. une attitude qui, ni ne peut être justifiée par la persistance d’une corruption rampante, encore moins par la récurrence d’instabilité sociopolitique-, les Nigériens de l’extérieur, de Cotonou à Bruxelles, de New York à Pékin, se doivent de revendiquer leur participation au travail, à l’effet de constituer une force de proposition et de pression, à travers l’institution d’un débat véritable et la conduite d’actions ciblées aidant au renforcement des capacités de l’Etat et des autres intervenants de la société. D’abord :

 

  1. par  la mutualisation des moyens, en réorganisant les structures communautaires et en renforçant le Haut Conseil des Nigériens de l’extérieur (HCNE) -si les Nigériens du Canada font don d’ordinateurs par-ci, ceux du Nigeria ou de Paris des sacs de riz par là, la portée ne sera que légère et de faible durée. Une des aberrations d’ailleurs de la constitution actuelle est d’exclure les nigériens de l’étranger de la représentativité (un des principes pieux de la démocratie qui voudrait que chaque constituante géographique d’une nation soit  présente dans l’hémicycle afin d’exprimer ses préoccupations et donner ses perspectives dans le processus des discussions des quelles découlent les grandes orientations nationales). Cette exclusion monumentale de plusieurs millions de Nigériens d’Afrique de l’’Ouest, d’Europe, d’Amérique, et d’Asie (dont le support économique, bien qu’essentiellement informel, représente pourtant une décente portion du PIB), à laquelle s’ajoutent les violations répétées sous des prétextes fallacieux de leur droit constitutionnel du vote, doit être au centre du combat ;

  2. par la multiplication ensuite des cadres de discussion, comme les blogs et autres animations dans des journaux, radios et télévisions, afin d’accroitre les échanges d’idées et de propositions utiles ;   

  3. par la participation aux efforts d’informatisation (véritable arsenal dans la lutte contre la corruption et le renforcement de la productivité) de l’administration, ainsi que l’offre bénévole d’expertises dans divers domaines ; 

  4. par  l’assistance aux universités, aux hôpitaux, aux ONG, et aux cadres œuvrant dans divers secteurs ;

  5. par la collaboration également avec les parlementaires, en les aidant à s’équiper des outils nécessaires de travail et à prendre pleinement à charge les exigences de leur travail : un député a besoin de personnel compétent, de formation continue, de documents et équipements de travail, et d’accès aux nouvelles technologies de communication par exemple, pour mieux faire son travail ;

  6. par le lobbying visant à promouvoir le Niger dans les milieux politiques, artistiques et d’affaires des pays de résidence, dans une perspective de stimuler les investissements économiques et en faveur de programmes divers ; etc.


S’il n’est pas à prétendre qu’un pays ne puisse faire sans sa diaspora, pour un patient dans la condition du Niger, faire sans elle ou pour celle-ci de se disperser, infligerait des souffrances supplémentaires et retarderait toute évolution.

 

Ainsi aux politiciens de tout bord, le Niger est pour la démocratie ! Son processus est irréversible! Maintenant que la cavale reprend, il appartient au gouvernement, à la diaspora et à toute la société de se parler décisivement, afin de briser l'élan des contradictions qui à chaque coup de pelle déversent leur lot d'échecs et de déceptions sur les aires du chantier.

A la diaspora nigérienne de vider la charge émotive, de proscrire les querelles, et de marquer résolument le pas à l'instar des autres acteurs; et que les images d'une Afrique trainée, infantilisée et collectivement humiliée, tant en Arabie, en Orient qu'en Occident, nous immunisent contre appréhensions personnelles.

Aux élus actuels et à tous les acteurs sur place, il n'existe pas un programme politique constructif, une gouvernance moderne qui puisse faire l'économie d'un accompagnement permanent par tous ses sujets, partout où ils se trouvent. La solution aux problèmes ne viendra pas de l'effort d'un génie, mais du génie de l'effort, l'effort collectif.

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