Pistes de réflexion pour une politique énergétique ambitieuse

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L'analyse critique de la politique énergétique nigérienne a permis d'identifier clairement les raisons de son échec. A partir de là, il est aisé de dégager les axes essentiels qui doivent constituer les piliers d'une nouvelle politique  énergétique à la fois digne d'un pays aussi richement doté par la nature que le Niger, mais également véritablement au service du développement et soucieuse de l'environnement.

La nouvelle politique énergétique du Niger doit être axée sur 4 axes majeurs. Elle doit ainsi :

1.     Etre au service du développement

Le niveau de consommation énergétique trop bas ne permet pas d’envisager un développement économique sérieux. Le schéma de développement classique passe par un développement industriel. Tous les pays développés se sont construit une industrie forte avant de se diversifier vers les services.

A partir de là il est clair qu’il faut produire de l’énergie massivement. Aucun moyen de production ne doit être négligé : solaire, hydroélectrique, thermique au gaz ou au charbon, pétrole… La bataille de l’énergie commence aujourd’hui.

2.     Etre souverainiste

Il faut rompre avec une politique de dépendance trop pesante et s’atteler à construire notre indépendance énergétique et à garantir la sécurité de nos approvisionnements. Pour cela il faut mettre en valeur nos propres ressources.

Si les projets en cours de réalisation actuellement se concrétisent, un pas significatif serait accompli vers l’indépendance énergétique, du moins pour ce qui concerne les produits pétroliers avec la construction d’une raffinerie à Zinder.

Mais la question de l’électricité reste critique. Nous dépendons encore à 60 % du Nigéria. A ce propos les évènements récents sont édifiants sur notre capacité presque dramatique à faire des mauvais choix. En effet, en début 2008, en pleine coupe d’Afrique de football (les amateurs s’en souviennent encore) la NIGELEC a décidé de renforcer sa capacité d’importation d’électricité à partir du Nigéria.  Ce choix est officiellement justifié par la nécessité « d'éviter le recours à des solutions de remplacement particulièrement coûteuses (générateurs au gaz, au diesel ou au kérosène) »1. Le montant du projet est de 4 milliards de FCFA.

De façon absurde et contrairement à ce qui était avancé par la NIGELEC, dans les mois qui ont suivi ce projet, les nigériens ont vécu un véritable cauchemar et leur alimentation électrique est devenue encore plus aléatoire, avec les dommages que cela peut occasionner.

Le gouvernement a dû réagir en urgence en adoptant en conseil des ministres la décision d’acquérir des groupes électrogènes au gaz et au fioul pour soutenir la réserve froide disponible à la NIGELEC. Coût de l’opération : 20 milliards de FCFA2.

Au final on a perdu sur les 2 tableaux : d’un côté on a déboursé de l’argent pour paradoxalement accentuer notre dépendance énergétique et, d’un autre côté, on a fini par débourser de l’argent non prévu dans des moyens de production qu’on voulait éviter et qui eux-mêmes augmentent notre dépendance (le fioul et le gaz sont importés).

Le Niger ne doit plus répéter les mêmes erreurs et doit admettre qu’aucun pays au monde, même celui qu’il juge être son « frère », ne lui donnera durablement de l’énergie en se privant lui-même. Dès lors il faut se donner les moyens d’acquérir son indépendance énergétique.

3.     Sauvegarder l'environnement

La déclaration de politique énergétique de 2004 affirme la priorité donnée à l’émergence d’énergies alternatives au bois de chauffe. Nous pensons que la préservation de l’environnement doit être une urgence absolue. La perte du couvert végétal et l’avancement du désert font partie des menaces les plus critiques pour l’avenir du pays. C’est presque une petite révolution (technologique et culturelle) qu’il faut accomplir pour proposer des substituts crédibles au bois.

Plusieurs énergies alternatives sont déjà massivement disponibles au Niger ou le seront bientôt : charbon minéral, énergie solaire, gaz des villes. Il s’agit des les rendre accessibles à tous à un prix compétitif et sous une forme qui autorise une évolution douce des modes de vie et des pratiques.

4.     Assurer un service public de l'énergie

Le service public doit garantir à tous et partout un accès universel et équitable à l'énergie, garantir un prix raisonnable et assurer une disponibilité continue de l'énergie.

Seul l'Etat ou une entreprise publique peuvent remplir efficacement ce rôle. La privatisation de la NIGELEC était à l'ordre du jour il n'y a pas si longtemps. Soyons clair : ce serait une erreur stratégique monumentale. Encore une fois l'énergie n'est pas une marchandise comme une autre. Un pays comme le Niger ne peut pas se contenter de sa situation actuelle. Or toute tentative de développement du secteur énergétique nécessite des investissements lourds avec des délais de retour sur investissement longs. Les sociétés privées visent avant tout à faire du profit, ce qui peut être incompatible avec une mission de service public.

 

Pour la mise en œuvre de ces objectifs plusieurs axes opératoires sont nécessaires à court et moyen termes. Nous consacrerons ultérieurement une étude entière à faire des propositions concrètes et argumentées en vue d’atteindre ces objectifs.

  • 1. Voir la présentation du projet de renforcement des capacités d’importation d’électricité de la NIELEC à partir du Nigéria.
  • 2. Voir le communiqué de presse du conseil des ministres du 04/07/2008.

Commentaires

Le solaire est incontournable

Bonjour "Ténéré",

Merci pour votre commentaire et votre remarque.

Nous ne négligeons pas le rôle que doit jouer le solaire dans la satisfaction des besoins énergétiques au Niger. Au contraire, nous pensons que cette ressource doit jouer un rôle primordial au Niger. L'article que vous avez lu et commenté fait partie d'un dossier intitulé "Bilan énergétique et perspectives pour une politique énergétique ambitieuse au Niger".

Nous vous recommendons la lecture de ce dossier. Vous y découvrirez notre point de vue sur le rôle que doit jouer l'énergie solaire au Niger notamment en lisant le chapitre "Potentiel énergétique du Niger" de ce dossier.

Vous comprendrez que pour nous, l'énergie solaire n'est pas une option au Niger mais une direction incontournable notamment pour des raisons naturelles (abondance de la ressource) et physiques (immensité du pays, faible urbanisation...).

Bonne lecture et merci pour votre participation.

Analyse pertinente qui cerne

Analyse pertinente qui cerne assez bien les besoins et les priorités que doit se fixer le Niger en termes de politique énergétique, mais vous semblez oublier la part importante que peut jouer la recherche et developpement surtout dans le domaine du solaire...surtout que le Niger est l'un des pays les plus ensoleillés au monde.

Bravo pour cette article pertinent et bien pensé.

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